avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 92
N°Verso : 68
Les Artistes et les Expos
Titre : Ernesto Sartori
Auteur(s) : par Vianney Lacombe
Date : 24/07/2013



QUAND DEUX DEVIENNENT UN
Ernesto Sartori
Du 01.03.2013 au 27.04.2013
Galerie Marcelle Alix
4 rue Jouye-Rouve
75020 Paris

Ernesto Sartori
par Vianney Lacombe

Nous deux (1ère et 2ème partie) résume l’essentiel du travail d’Ernesto Sartori : ces deux structures de bois découpé sont fixées au mur de la galerie et assemblées avec une inclinaison semblable, tandis que les éléments qui les composent adoptent les mêmes angles, les mêmes formes triangulaires, mais avec des épaisseurs différentes dans des directions opposées. Ces objets opposent une résistance à la gravité, ils sont installés dans l’espace comme s’ils allaient tomber de tous les côtés à la fois, comme si la pesanteur qui les attirait était multipliée par quatre, selon la direction vers laquelle l’objet penchait, et cela chaque fois qu’un élément dépasse de l’ensemble de la structure dans laquelle il est ancré. Cette cristallisation des forces en jeu à l’intérieur de ces pièces est mise en évidence par la multiplicité des formes triangulaires jointes ensemble et florissantes à la surface, évoquant les minéraux soumis à la pression terrible qui les cristallise à l’intérieur de la terre. Mais cette géométrie qui règle les volumes des structures d’ E. Sartori est complétée par celle des couleurs qui déploient leur présence en deux dimensions, traversant les formes selon leurs propres orientations, et rappelant par leur fluidité les angles des pentes sur lesquelles elles furent peintes.
Les sculptures construites  par Ernesto Sartori sont des machines à voir, à découvrir la vue, et l’étrangeté que nous ressentons devant ces objets n’est que le résultat de notre impossibilité à nous reconnaître dans l’espace qu’ils utilisent, dans cette forme de jeu inventée par E. Sartori, cette enfance convoquée pour déconstruire nos habitudes mentales et visuelles. Il y a un bonheur réel à voir comment Ernesto Sartori remplit l’intérieur de ses sculptures avec des clous, des cubes et des morceaux de glaise, tout un peuple de petits éléments précipités dans les cavités de la structure et qui l’animent de leurs grouillements imprévus.
Ces structures agissent comme des sculptures d’un nouveau nom qui revendiquent la pauvreté des matériaux qui la composent, comme s’il s’agissait de dévoiler un étage inférieur de la matière où elles sont exposées à l’état brut, avec toute la vélocité de leur  mécanisme primitif mise à nu.
Une moitié de l’immeuble sinus 1/3 est une structure basée au sol et qui se déploie sur elle-même comme un végétal organisé avec de l’air qui le traverse et des couleurs qui le recouvrent. Ces couleurs déploient des forces différentes de Nous deux, elles sont dirigées entre les vides des formes, mais elles ne contrarient jamais celles-ci. L’ascension de cette structure est plus lente, elle n’est pas minée par les pentes qui traversent Nous deux, elle ne dégringole pas, elle se régénère pour monter dans un mouvement végétal, une forme de canopée avec des trouées qui éclairent les étages inférieurs de cette sculpture. Nous trouvons le reflet de cette différence de traitement dans un panneau peint et appliqué au mur : les formes colorées évoquent une approche plus libre de la couleur, une germination que des peintures antérieures également présentées ne laissaient pas prévoir dans leur description plus précise et géométrique des éléments mis en jeu dans les sculptures.
Ernesto Sartori est né en 1982, mais la singularité de son travail le place déjà dans les figures importantes de la sculpture contemporaine. Ses structures peuvent être rapprochées de celles de Manfred Pernice dont il partage le goût pour les assemblages de matériaux sans noblesse particulière, mais il a su développer dans son travail un espace entièrement personnel avec des éléments de bois découpés que l’on peut trouver dans n’importe quel magasin de bricolage, et il se sert de ces panneaux de particules et de ces tasseaux pour fabriquer des nouveaux supports de sensation et de réflexion sur notre monde actuel, pauvre, appauvri, affaissé sur lui-même, dont il montre le déchantement.
Vianney Lacombe

 




 
 
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