avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 134
N°Verso : 90
L'artiste du mois : Gilles Ghez
Titre : Un classique non relié
Auteur(s) : par Robert Bonaccorsi
Date : 28/01/2016



Né en 1945 à Paris, Gilles Ghez exposa dès l’âge de cinq ans avec son grand-père le peintre Georges Capon. Les expositions personnelles se sont enchaînées depuis 1969. Notons que son Jaguar de Dartwood a été présenté au Centre Pompidou en 1987. Il est défendu par la galerie Pascal Gabert qui expose régulièrement ses œuvres depuis 1988. Le centre d’art Villa Tamaris de La Seyne-sur-Mer lui a organisé deux importantes expositions : Inventaire 1970-2010, voyages dans une vie (2010) et Autoportraits d’une vie (2015) présentées par Robert Bonaccorsi. Nous le remercions de nous avoir autorisés à reproduire l’un de ses textes. Les photographies qui l’illustrent sont de Jean-François Ribay, ami et complice artistique de Gilles Ghez.

J.-L. C.

Un classique non relié
par Robert Bonaccorsi

Nous découvrons, nous observons, presque par effraction, des tableaux palpitants, singulièrement figés, en équilibre, en tension. Il y a des clefs et d’autres clefs, à double sens, à double tour à ces chambres closes, à double fond. Dissiper (peut-on réellement le vaincre ?) l’ennui, découvrir l’antidote à la mélancolie, le sésame libérateur, la clef des songe… L’œuvre de Gilles Ghez se construit contre un spleen dévastateur et paradoxalement salvateur dans la mesure où il pousse non au crime mais au rêve :

« Parce que j’ai voulu tourner beaucoup de clefs
Parce que j’ai voulu pousser beaucoup de portes
J’ai vu pendre à des clous mes rêves étranglés (…)
Le vieux seigneur des spleens, le sire des ennuis
Plonge en mon cœur un couteau
Long comme mes nuits » (3)

Attendre « le noir dragon et le blanc mousquetaire » serait vain (fuyons Le Désert des Tartares et Le Rivage des Syrtes). Place au voyage, à l’aventure, Gilles Ghez nous invite à croiser des magiciens chinois et des maharadjas invisibles, de vieux princes, un mauvais ange, la Reine des pinces à linge, le Psy qui chante, Gradiva, « celle qui avance »… Agissons en somnambules ! Nous observons avec un œil d’entomologiste les déclinaisons illustrées d’un songe perpétuel. Un monde où il faut posséder au plus haut point le sens des proportions. Jonathan Swift et Les Voyages de Gulliver illustrés par Albert Robida (4) dont il conserve l’édition de sa jeunesse, constitue une référence majeure. Peut-être la source première de ce processus créatif où le récit et l’image ne peuvent être dissociés. Gullighez (2014). Un récit imagé où les rapports d’échelle, le grand, le petit, la réduction ou l’amplification deviennent autant d’éléments d’une composition symbolique. La majuscule et la minuscule pareillement, Gilles Ghez apparaît tel qu’en lui-même dans, par et pour l’écriture. Le stylographe est toujours présent dans ce travail qui conjugue les pleins et les déliés pour calligraphier les frontières d’un jeu de piste onirique. La littérature donc, Joseph Conrad, Raymond Roussel, Paul Morand, Fernand de Croisset, Eugène Marsan, Nicolas Bouvier, Michel Leiris, John Meade Falkner, Robert Louis Stevenson, les surréalistes bien sûr, José Pierre en particulier, et bien d’autres peuvent être ici et maintenant convoqués.

[3] Edmond Rostand, Les deux cavaliers in Les Musardises (1887-1893), librairie Charpentier, 1929, pp. 160, 163.
[4] Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver illustrés par A. Robida, Henri Laurens éditeur, 1ere édition en 1904.

 

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