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[verso-hebdo]
28-02-2019
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La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau |
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Ernest Pignon-Ernest et André Velter annoncent la couleur |
Ils ont commencé à dessiner et écrire ensemble en 1992. Ce livre est leur dix-neuvième en 27 ans (Annoncer la couleur, éditions Acte Sud, 128 pages, 29 euros). Souvent dans le passé, il s'est simplement agi pour Ernest, le dessinateur virtuose, d'accompagner des textes du lauréat du Goncourt de la poésie, mais aujourd'hui ils vont plus loin : « Nous avons constaté, écrivent-ils, qu'à nous deux il nous était possible de dessiner à voix haute, sans souci de qui allait accentuer ou moduler le trait, hausser ou adoucir le ton. » Il ne faut pas croire ce que dit le titre de ce bel ouvrage imprimé en sérigraphie : « Pour annoncer la couleur rien ne vaut le noir et blanc » est-il écrit page 55 ! Qu'annoncent donc les deux compères devenus maîtres d'une « complicité depuis toujours instinctive (qui leur) interdisait que l'un illustrât l'autre » ? Ils proclament d'abord que les années qui passent ne nuisent en rien à leur créativité. Au contraire peut-être : « Vivons dangereusement. Prenons tous les risques possibles. Si nous vieillissons nous n'y serons vraiment pour rien » est-il encore écrit page 27. Ils nous démontrent ensuite que la création est affaire d'imagination, et que la réunion de deux imaginations donne des résultats étonnants.
L'imagination nourrit en effet la représentation écrite ou dessinée, elle mobilise les savoirs, elle convertit l'acquis en visible/lisible. David Hume disait que l'imagination constitue des associations qui sont l'indispensable commentaire d'une impression présente, mais il faut aller au-delà de son préjugé sensualiste qui faisait de ces associations des miracles mécaniques. L'imagination chez Velter et Pignon-Ernest est puissance de visibilité originale. Ce n'est pas par hasard que les auteurs se situent explicitement dans le sillage de Rimbaud : voir, par exemple, la merveilleuse trouvaille de la page 81. On y voit des plumes claires dans un espace sombre, et on lit « Dans les draps du petit jour on trouve parfois l'aile d'un ange. » Ils se servent avec une parfaite aisance de l'ambiguïté de leurs imaginations croisées. Ils nous montrent que les deux plans : de la présence dont elles sont issues, et de la représentation qu'elles ouvrent, sont réciproques et complémentaires.
Encore un exemple frappant : page 75 un pied très charnel pend, toujours sur fond noir, et semble désigner sous lui quatre lignes manuscrites noires sur fond clair : « avec l'infini /chevillé au corps/ allons rendre l'âme/ à tous les univers. » N'est-ce pas dire que nous ne sommes pas un esprit qui se grefferait sur un corps, ni un corps qui serait la déchéance d'un esprit, mais que nous sommes perpétuellement un corps qui devient esprit et un esprit qui devient corps ? Ainsi l'imagination ne peut faire voir que parce qu'elle sait unir. Elle est à la fois nature et esprit, portant de la sorte toute l'antinomie de la condition humaine. Parce qu'elle est nature, l'imagination d'André et Ernest s'accorde à la nature. Parce qu'elle est aussi esprit, elle peut survoler cette dernière et la penser. C'est-à-dire qu'elle permet d'affirmer que « seule la poésie nomme l'impossible qui nous unit à plus que nous ». Une pratique poétique fusionnelle inédite qui est à lire, regarder et méditer.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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