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[verso-hebdo]
09-01-2020
La chronique
de Pierre Corcos
Un photojournalisme percutant
Le prix Carmignac soutient depuis dix ans ce que dans le photojournalisme, sans doute, l'on ressentira comme le plus urgent et le plus justifié, à savoir tous ces reportages photographiques et journalistiques sur les violations des droits humains, eux-mêmes liés à de graves enjeux écologiques et géostratégiques. Car c'est à ces occasions que la cécité, l'inconscience collectives s'avèrent les plus coûteuses et dangereuses... Le prix Carmignac fut cette année décerné à Tommaso Protti, auquel la Maison Européenne de la Photographie consacre, jusqu'au 16 février, une large exposition, Amazônia, de ses photographies en noir et blanc sur la dramatique déforestation en Amazonie... Une destruction incoercible du « poumon de la planète », à laquelle sont associées d'effroyables crises humanitaires et sociales.

« Les scientifiques s'accordent à dire que la forêt est en passe d'atteindre un point de non-retour : la déforestation, alimentée par le commerce illégal du bois, l'accaparement des terres, l'expansion agricole, le développement de projets privés et étatiques et l'extraction de ressources en sont autant de causes. Je pense qu'il est important de sensibiliser le public sur ce sujet et de s'interroger sur ce qui est en train de se passer », déclare sobrement Tommaso Protti. Comme dans toute exposition de photojournalisme, on retrouve sur les cimaises cette redoutable alliance du texte, factuel et irrécusable, et de la photographie, expressive et bouleversante. « Le poids des mots et le choc des photos », pour reprendre la formule célèbre de Paris Match, avant que ce magazine se dévoie en journal « people » et assure la promotion fleur bleue des puissants. Le poids des mots : avec le journaliste britannique Sam Cowie, Tommaso Protti a documenté une situation que d'emblée les chiffres seuls inscrivent dans le désastre. Ainsi, en 50 ans, près de 20% de la forêt amazonienne ont disparu, et le phénomène s'aggrave avec le climatosceptique ultralibéral qui dirige actuellement le Brésil, Jair Bolsonaro (ainsi la déforestation a été en juillet 2019 quatre fois supérieure à celle de juillet 2018). Les commentaires de cet ahurissant photoreportage convergent - en une sorte de métaphorique résumé de ce que la folie du système a de plus catastrophique et meurtrier - dans le contexte environnemental profus, gigantesque et inhumain de la forêt amazonienne. La démesure capitalistique se heurte et, à la fois, se mêle à la démesure végétale. Pour la production intensive du soja et l'élevage bovin massif par exemple quelques 85 000 feux ont été recensés fin août 2019 dans l'Amazonie brésilienne... Mais aux chiffres du photoreportage se joignent des commentaires et descriptions qui personnalisent cet ample désastre. Le choc des photos, quant à lui, tient dans le choix de situations, de personnages emblématiques concentrant ce qu'il y a de terrible dans la situation actuelle en Amazonie, et dans l'oppressante touffeur et noirceur qui enveloppent les protagonistes.
Quelques exemples... Fléché par une longue trainée sanglante et couvert d'un drap blanc, un homme assassiné gît dans la rue d'une banlieue pauvre, entouré de voisins, de policiers et de membres de sa famille qui attendent la levée de son cadavre. Comme souvent, la photo est prise au flash, ce qui donne à la scène, par son éclairage artificiel, une apparence théâtrale et cauchemardesque. Le commentaire nous rappelle que Manaus est devenue l'une des villes les plus dangereuses du Brésil, la majorité des homicides étant attribuée par les autorités locales au trafic de drogues. Une autre photo, encore au flash, d'arbres morts jaillissant de branchages au sol et étendant leurs moignons vers un ciel opaque est expliquée de la façon suivante : ces arbres sont morts après l'ouverture du barrage hydroélectrique de Belo Monte, dont les eaux ont inondé 400 km2 de forêt... Dans cette troisième photo, toujours en noir et blanc et prise avec un flash, on voit deux « garimpeiros » (orpailleurs) ivres s'accrocher à une table de billard dans le sordide bar d'une ville minière du Pará qui leur sert de base arrière. Le genre de cliché dont la tristesse, quasiment palpable, n'a besoin d'aucun commentaire autre que sa contextualisation... Violence, désespoir, cupidité, scènes de crime, forêt dévastée, trafics en tous genres (le fleuve Amazone est devenu l'une des principales routes de la cocaïne, et les différentes maffias s'en disputent le contrôle), surexploitation irresponsable : « voici donc le théâtre contemporain d'une dystopie » (sic) écrit, illustre Tommaso Protti. Tout ce dur témoignage visuel des enjeux politiques et environnementaux auxquels l'Amazonie d'abord, le monde ensuite sont confrontés n'en demeure pas moins l'expression d'un regard personnel de photographe. L'impressionnant reportage (de janvier à juillet 2019, Tommaso Protti et Sam Cowie ont parcouru des milliers de kilomètres à travers l'Amazonie brésilienne, d'Est en Ouest, élaborant une représentation synthétique d'une situation complexe et tragique) trouve dans ce regard photographique une version individualisée, presque un style que l'on aurait des chances de reconnaître avec d'autres sujets d'actualité.

On ne sort pas indemne de l'exposition Amazônia, ce voyage photographique à la fois documenté et halluciné de Tommaso Protti, voyage au cœur du « poumon de la planète » et de sa dévastation, résumé probable d'une planète en train d'être systématiquement ravagée.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
09-01-2020
 

Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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