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[verso-hebdo]
07-02-2019
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Le Musée imaginaire de Michel Butor - 105 oeuvres de la peinture occidentale, Michel Butor, Flammarion, 368 p., 35 euros.

Figure bizarre de la littérature que celle de Michel Butor depuis peu disparue  ! Il a été l'un des romanciers les plus prometteurs du Nouveau Roman avec Le Passage de Milan, La Modification et L'Emploi du temps, malgré leurs défauts respectifs  : il se présentait comme l'un des grands espoirs de l'art romanesque moderne  ; puis il a obliqué et s'il a qualifié Degré encore de roman, il s'agit plutôt de poésie. Et depuis lors, c'est surtout de la poésie qu'il a écrit et par quantité assez peu concevable. Victor Hugo est un petit joueur à côté de lui  (en quantité, bien sûr). Et ce genre qui l'a rendu de plus en plus boulimique, l'a entrainé a trouver parmi les artistes un terrain d'entente car il publie des livres à tirage limité  : la signature de l'illustre écrivain leur était précieuse  ; bien rares sont ceux qui n'ont pas eu quelques pages mirlitonesques de ce graphomane impénitent  ; le plus étrange dans l'affaire est qu'il s'est surtout révélé au fil du temps un essayiste tout à fait remarquable. Les Répertoires étaient intéressants, cela ne fait pas de doute, mais ce sont ses trois volumes sur l'oeuvre d'Honoré de Balzac où il révèle tout son talent et sa perspicacité (Improvisations sur Balzac, éditions de la Différence, 1998). Mais revenons à l'art. Cette fréquentation avec les artistes, qui lui ont permis d'assouvir sa libido poétique, lui a aussi permis d'affiner sa perception des artistes plus anciens. Il a écrit quelques beaux textes, comme celui sur Eugène Delacroix, par exemple, ou ses Notes sur Mondrian, pour ne citer que ceux-là. Sans doute est-ce cet appétit d'ogre de tout dévorer sur son passager (je veux dire  : tout ce qu'il peut voir avec désir) qui a poussé Flammarion a imaginé de composer une histoire de l'art à sa façon. L'histoire n'est pas sotte d'ailleurs car étant une personne qui ne connaissait pas de limites, il avait assez de force et de vitalité pour aller visiter tous les recoins de cet immense et inépuisable réservoir iconographique et formel. Le résultat de cette requête n'est pas mal au fond  ; il ne nous permet pas de faire de grandes révélations (ce n'était pas un esthète raffiné, mais plutôt une sorte de voyageur enragé à la Jules Verne) capable de traverser les siècles à grandes brassées. Mais son oeil est bon et il nous invite à le suivre en commençant par Giotto, poursuivant avec Paolo Uccello, Fra Angelico, Antonello da Messina, Andrea Mantegna, Vittorio Carpaccio... En somme toute la Renaissance italienne est exhumée sans beaucoup de fantaisie, mais sans erreur de goût et sans graves oublis non plus. Après quoi, il d'intéresse aux Flamands et aux Allemands pour en arriver au moment é  »minent de Raphaël, de Michel-Ange et des Léonard. Après quoi il se passionne pour Le gréco et pour les Espagnols pour en revenir aux Français au XVIIe siècle :XIXe siècle assez convenu qui commencerait avec Delacroix, et où il n'oublie pas Honoré Daumier et Gustave Moreau. Quant au siècle dernier, il va de Pablo Picasso aux surréalistes et s'achève, hélas, par Jean-Michel Basquiat  ! Je réitère mon premier sentiment, c'est loin d'être parfait, mais c'est une belle initiation à l'histoire de notre art et tout adolescent pourrait s'initier aux arts plastiques grâce à ses choix et à ses commentaires, qui n'ont pas la prétention d'être canoniques. Donc à la fois un livre pratique et un livre plaisant, ce qui n'est déjà pas si commun.




Le gallerie di Milano, Riccardo Di Vicenzo, Ulrich Hoepli Editore , Milano 184 p.

Milan, comme toutes les grandes villes d'Europe, n'a jamais cessé de se métamorphoser. Le XIXe siècle a marqué une accélération de la modernisation de l'urbanisme de la capitale lombarde. Les premières galeries sont construites, comme celle qui a été baptisée De Cristoforis (où se trouvaient autrefois les éditions Hoepli, détruite en 1935) est l'archétype de l'élégance et du luxe à l'époque de la Restauration. Mais la galerie qui l'a marqué de son sceau est la Galleria Vittorio Emanuele II qui débouche sur la place du Dôme. Née d'un décret royal de 1860, achevée en 1867, elle a survécu aux bombardements de 1943 et aussi aux modes, versatiles par définition. Elle est demeurée jusqu'à nos jours le grand salon mondain de la cité, avec ses grands cafés et restaurants devenus illustres et ses commerces de luxe. Son histoire est intiment liée à celle de la ville, même pour la culture. Le plus remarquable dans le bel ouvrage de Riccardo Di Vicenzo, est sans doute le fait qu'il ait entrepris de répertorier les passages qui sont nés par la suite et qui sont assez nombreux, parfois minuscules et méconnus, parfois d'une dimension plus conséquente. Avec ses recherches, son abondante iconographie, l'auteur nous fait découvrir un milan, que l'on connaît que de manière très partielle. On découvre la galleria Mazzini, la galleria Meravigli, la plus récente galleria Strasburgo, la galleria San Carlo, la galleria Hoepli, toutes construites après la guerre. Le Corso Buenos Aires, devenu la grande avenue commerçante, se dote de plusieurs galeries à partir des années cinquante. Ainsi, grâce à ce livre précieux, nous découvrons une autre ville avec une histoire qui ne peut rivaliser avec celle des antiques galeries de Paris racontée par Walter Benjamin, mais qui a aussi ses mystères et ses secrets littéraires et artistiques. Riccardo Di Vicenzo est parvenu à faire revivre ce monde avec toutes les ressources d'une culture solide et raffinée.




Ezra Pound en enfer, Pierre Rival, avant-propos de Michel Onfray, L'Herne, 256 p., 15 euros.

Belle idée que de publier ce livre que son auteur a commencé à l'époque où Denis Roche a publié les Cantos. Il avait même pu rencontrer le vieil écrivain américain chez Lipp grâce à Dominique de Roux, qui avait alors en tête la publication en 1965 de deux Cahiers de l'Herne sur le poète. Après bien des hésitations et des interruptions, Pierre Rival est venu au terme de son aventure et nous délivre cet ouvrage qui regorge d'informations passionnantes. Je pense que Michel Onfray, qui préface tout ce qui se présente à lui, sans discrimination, aurait pu se renseigner un peu pus sur l'oeuvre d'Ezra pound et surtout sur les émissions qu'il a pu faire sur la radio romaine entre 1940 et 1945. Il existe une transcription complète de ces transmissions, que je possède, et je crois qu'il aurait bien d'en publier au moins une pour comprendre les relations du poète avec le fascisme. Celles-ci sont indéniables. Ses livres en regorge, hélas, comme ABC of Economics, 1933, Social Credit  : An impact, 1935, Jefferson and  : or Mussolini, 1936, etc. il surnommait Jefferson Jefferstein  . Mais quand on lit ces transcriptions, il est assez difficile de les prendre pour de très sérieuses émissions de propagande. Sans doute Pound y fustige l'Amérique qui l'a rejetée, fait même preuve d'un antisémitisme, qui ne datait pas de la déclaration de la guerre, tout comme d'ailleurs ses théories économiques. Mais ses propos étaient si décousus et parfois si surréalistes et même délirants qu'ils auraient bien eu de la peine à convaincre un seul citoyen américain censé  ! Oui, c'est vrai il fait l'éloge d'Hitler et de Mussolini, mais d'une telle manière qu'on penserait plutôt à un potache qui veut se venger d'une punition injuste. D'un point de vue strictement politique, tout cela n'est pas crédible. La loi est inflexible et ne souffre aucune exception  : Pound a bel et bien trahi son pays. Il devait être jugé et condamné, même s'il s'est cantonné à raconter des billevesées. Mais de là à le mettre en cage - une cage éclairée nuit et jour  ! Il y a eu un fascisme sérieux et impitoyable, et puis il y a eu une sorte de fascisme déluré, excentrique, excessif et farceur comme celui de Céline (qu'on devrait plutôt qualifier d'anarchisme de droite) ou même celui de son ami peintre Montparno Gen Paul et celui de Pound. Ils n'ont été ni Robert Brasillach, ni Alphonse de Chateaubriant, ni Lucien Rebatet  ! L'auteur commence son histoire en juillet 1943, quand il réside à Rome. Mussolini est déposé et le roi a pris le pouvoir. La plus grande confusion règne et Pound va finir par quitter la capitale pour aller habiter plus au Nord, par sécurité. Il fait un voyage au Tyrol et se rend sur le lac de Garde. Le retour de Mussolini aux affaires, la création de la Repubblica Sociale Italiana, tout cela lui redonne du coeur au ventre. Mais en 1944, Rapallo, où il s'était installé depuis si longtemps fait désormais partie de la Festung Europa. La petite ville côtière fait désormais partie du système de défense allemand. Il doit déménager chez une amie, Olga, avec Dorothy. Le 3 mai 1945, il arrêté par les partisans. Jusqu'à cette date, il est resté comme sourd et aveugle. Il n'avait pas compris que tout était fini et que n'était plus qu'une question de temps. On l'emmène à Gênes où le contre-espionnage américain doit procéder à un interrogatoire. La guerre est terminée  : on lui demande s'il accepte d'être jugé aux Etats-Unis. Il n'a rien à objecter. Surveillées de près depuis 1941, ses émissions sur Radio-Roma l'avaient placé en première place parmi les traîtres  ! Son avocat réussit néanmoins à plaider la folie. Il passe treize ans à l'hôpital St Elizabeth avant d'être renvoyé en Italie. Il reçoit la visite de grands auteurs américains comme William Carlos Williams, E. E. Cummings, Charles Olson, la jeune poétesse Diane Di Prima, la belle Sheri Matinelli et son vieil ami T. S. Eliot qui vient de recevoir le prix Nobel quand il a reçu le prix Nobel en 948. Il s'installe alors à Venise et ne sort plus guère de son silence. Ce livre est remarquable et ne cherche pas un instant à disculper Pound, mais plutôt à faire comprendre l'évolution de sa pensée qui l'a conduit à ces choix dont il a payé très cher le prix.




Le Rêveur méthodique, Francesco Zorzi, un franciscain kabbaliste à Venise, Verena von der Heyden-Rynsch, traduit de l'allemand par Pierre Rusch, Gallimard, 144 p., 17 euros.

Tout commence à l'époque où Henri VIII désire divorcer de Catherine d'Aragon, qui ne lui donnait pas d'héritier, et pour épouser Ann Boleyn. La situation est très compliquée car son épouse avait d'abord été celle de son frère, mort prématurément, sans compter que l'Espagne pourrait se révéler un problème politique majeur. La question est également compliquée au sein de la cour. Le pape, Clément VII, passablement embarrassé, indécis, trouve en la personne du Vénitien Francesco Zorzi (1466-1540) l'homme de la situation  : c'est un grand érudit et aussi un homme habile. Il est connu pour sa connaissance la tradition hébraïque (il est le premier clerc à posséder une telle connaissance) et de son intérêt pour la Kabbale. L'auteur tient alors à souligner que Zorzi n'est pas le seul à s'intéresser au début du XVIe siècle à ces questions en Europe. Mais la Kabbale chrétienne s'était développée d'abord en Italie et en particulier à Florence avec Marsile Ficin et ses proches néoplatoniciens. L'expulsion brutale des Juifs d'Espagne a fait arriver à Venise des hommes cultivés ainsi que des ouvrages importants. Zorzi se lie d'amitié avec l'éditeur Gershom Soncino et le grand médecin juif Giovanni Maria. C'est lui que le pape choisit pour s'occuper de la «  Grande Affaire  » d'Henri VIII. Ce dernier eut alors l'idée de consulter des érudits pour la légitimité de son divorce. Mais le pape n'était pas d'accord avec les conclusions du franciscain, qui prend appui sur le Lévitique. Zorzi est disposé à faire marche arrière, tout en informant le roi d'Angleterre de l'évolution des choses. L'introduction de la pensée de Luther en 1517 ajoute à la complexité de la question. Ce qui est passionnant dans et ouvrage, c'est que Verena von de Heyden-Rynsch donne une idée très précise de la pensée de l'époque en Europe. Elle montre bien La place éminente d'Erasme et aussi les inclinations de Thomas More, qui s'emploie à faire publier des dialogues satiriques de Lucien et opte pour la vie mondaine après avoir lu l'Enchiridion d'Erasme. More s'est consacré à sa lutte contre les hérétiques mais a refusé de se plier à l'acte de Suprématie du roi et a été exécuté en 1535. Quant à Erasme, il est accusé d'hérésie. Ce monde d'un grand raffinement intellectuel est soudain emporté par un débat religieux qui le surprend et le dépasse. On a facilement associé l'humanisme avec la réforme luthérienne. Il est clair que dans ce contexte les différentes sources des humanistes ne pouvaient plus satisfaire la pure et dure doctrine de l'Eglise. Après tous ces événements tumultueux, Zorzi s'est retiré dans un monastère à Asolo en 1521 où il a écrit plusieurs oeuvres importantes. Il s'est aussi dédié à l'enseignement. Ses écrits montrent qu'il a tenu à préserver une tradition qui passe par Dante et par Pic de la Mirandole. Mais après le drame du schisme, vient s'ajouter celle de la chute de Constantinople. Mais il n'en poursuit pas moins son oeuvre et publie en 1526 son De Harmonia Mundi, qui eut un grand retentissement, surtout en France. L'auteur analyse avec soin et précision ce grand livre, déjà loué par Frances Yates. C'est là un moyen de faire comprendre de quelle façon la culture la plus avancée de cette période s'est élaborée, très loin des idées reçues sur la question  ! C'est un livre remarquable, qui nous fait découvrir un des plus grands intellectuels de son temps, mais aussi les complexes enchevêtrements théoriques qui se sont institués en marge des conflits théologiques.



Le Roman de Lauzun, Saint-Simon, édition présentée par Nicolas Ghiglion,   «  Carnets  », L'Herne, 128 p., 9, 50 euros.

Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon (1675-1755) est connu par ses Mémoires et il n'a pas écrit d'autres ouvrages. Ce Roman de Lauzun est un extrait de cette oeuvre monumentale dans le but de mettre en relief la figure de ce duc à la personnalité pour le moins marquante. Avant d'entrer dans le vif du sujet, il faut comprendre ce que sont ces Mémoires  : Saint-Simon nous campe bien des personnages de la cour de Versailles, mais il décrit aussi un système de pouvoir dont le roi est le centre indiscutable et donc incontournable. Cela vaut pour les faits les plus menus comme pour les plus hautes charges politiques. Ce n'est donc pas simplement une galerie de portraits, mais la description d'un système très sophistiqué, efficace et pervers de contrôler une noblesse turbulente après les événements tragiques de la Fronde. Le cas du duc de Lauzun (beau-frère de l'auteur) est tout à fait intéressant dans cette perspective, car tout commence par son désir de devenir le grand maître de l'artillerie, charge dont Mazarin souhaitait se défaire. Il réussit à s'en ouvrir au roi, qui lui promet d'accéder à sa demande à condition que tout cela reste secret pendant quelque temps. Mais ne sachant que trop que les intrigues peuvent encore tout remettre en cause, il se mit à surveiller les alentours de l'appartement royal. Surpris par un valet, il lui explique sa présence en ces lieux. Et ce dernier s'est empressé de raconter au roi ce qu'il en était. Furieux, le roi retire sa promesse. Un beau jour, il est arrêté et conduit à la Bastille, il a été conduit en différents endroits. Cela a duré plus de quatre ans. La chance lui sourit de nouveau et il est chargé de recevoir le roi Jacques II à Saint-Germain. Le portrait que fait Saint-Simon de son beau-frère est très piquant. Il le montre à la fois habile, charmeur, mais aussi d'une tournure d'esprit pas très bienveillante et prenant plaisir à mettre les courtisans dans des situations peu agréables  ; il possédait un don de nuisance assez remarquable  ! Il est parvenu à maintenir sa position malgré ses traits empoisonnés et a vécu ses quatre-vingt-dix ans en gourmand patenté et en libertin invétéré, malgré son grand âge. Tour l'art de l'auteur des Mémoires rend justice à la personnalité de cet homme peu ordinaire. Et c'est un plaisir profond que de le lire, car c'est un grand narrateur.




Ce côté et l'autre de l'océan, Corps étrangers II, Patrick Froehlich, Les Allusifs, 168 p., 13 euros.

Ici, tout débute par une perte ou, plus exactement, une absence  : celle du père. Celui-ci meurt et disparaît littéralement de la vie de sa famille. Comme s'il n'avait jamais été là. Son épouse l'artisan de cette disparition absolue. L'auteur s'est donné pour tâche de reconstituer quelque chose de ce personnage impossible à cerner qui a littéralement disparu de la mémoire de son petit univers. C'est d'ailleurs curieux qu'il associe, sans le dire, cet effacement et la transformation de son ancienne chambre d'enfant en débarras pour papiers administratifs, où il est devenu impossible d'entrer. Celle-ci va être nettoyée et entièrement rénovée  : fin des souvenirs. Tout du moins, de ces souvenirs-là. En réalité ce roman est un enchevêtrement de souvenirs qui est rendu encore plus intriqué à cause de grandes distances géographiques. Il y a l'Algérie avec le souvenir en partie estompé de la guerre terrible et puis l'Amérique du Nord. La petite ville de Poughkeepsie qui est le but de nombreux périples de la famille est comme un repère sur cette grande mappemonde de cette vie qui semble une course éperdue d'un continent à l'autre. Et puis il y a aussi les grands écarts entre les vocations professionnels  ; la chirurgie tient une place considérable dans le récit du narrateur  ; mais il y a aussi l'électronique qui devient de plus importante de son univers par le biais de la société IBM. En sorte que ce monde se change ne une sorte de grand nomadisme physique et mental, quasiment métaphysique si l'on y réfléchit bien. Ce qui fait le charme de la littérature de Patrick Froehlich c'est qu'elle ne propose pas une situation et puis la développe pour parvenir à une conclusion, mais qu'elle multiplie les segments latéraux, qui peuvent plus ou moins se prolonger. Rien ne trouve une solution. Rien n'est tragique ou comique, mais tout est une mystérieuse alliance du temps et du destin qui fabrique une fiction qui est l'existence de tous ces personnages qui font cercle autour de son héros. Mine de rien, avec une retenue rare, l'auteur nous fait découvrir les secrets de ces personnes et de leur existence en se débarrassant résolument des codes et des canevas du roman tel qu'on le connaît en Occident. Mais il ne cherche pas à inventer une autre forme de roman, mais plutôt quelque chose qui échappe à ses règles et lui permet de faire comprendre son dessein d'une autre façon. Sinon, nous aurions eu une saga familiale bien classique. C'est un roman d'aventure, mais qui ne se rapproche en rien d'Albert Londres ou d'Alexandre Dumas. Sans doute a-t-on affaire à une autobiographie, mais jamais l'auteur ne conforme ni ne dément la chose. Nous restons en suspens entre deux possibilités, l'une aussi valide que l'autre. Et avec une autre manière de penser la littérature de fiction qui a à la fois du charme et un certain mystère, malgré des apparences assez lisses.




Spigolature, arte, vite, racconti, Stefano Soddu, Scoglio di Quarto, 166 p., 20 euros.

Stefano Soddu est d'abord artiste, et surtout sculpteur. Mais c'est aussi un écrivain plutôt doué et il a déjà publié plusieurs livres qui ne sont pas du tout dépourvu de charme et d'originalité. Cette fois, sous la belle couverture conçue par son fils, Filippo, il a choisi d'évoquer es figures d'artistes qui ont en commun d'avoir un lien avec la galerie milanaise Scoglio di quarto qui va sous peu fêter ses vingt ans d'existence sous le signe d'une nouvelle abstraction. Il n'a pas souhaité faire des monographies classiques mais presque des biographies imaginaires, bien que tout ce qu'il raconte est issu de conversations qu'il a eu avec les uns et les autres. C'est sa façon de raconter et de faire le portrait de ses modèles qui rend le tout si singulier parce qu'il s'est attaché à quelques traits saillants de leur personnalité  ; prenant l'exemple de Mariangela De Maria, peintre capable d'une grande délicatesse et d'une subtilité rare dans les combinaisons tonales et dans l'usage des quelques lignes qu'elle introduit dans ses tableaux. En fait, il fait parler ses modèles et ce sont eux qui racontent des moments clefs de leur existence. C'est très divertissant, très libre de ton et aussi très bien écrit. On peut dire la même chose d'un peintre des plus intéressants et trop discret à mon goût et qui est un musicien remarquable  ; malgré toutes ses réticences, il est parvenu à le faire remonter le cours du temps et nous délivrer l'essence de sa démarche de créateur  ; Et cela vaut pour tous les autres créateurs, comme le peintre chinois Ho kan, grand précurseur dans son pays, l'extravagant et brillant Sergio Dangelo, l'une des figures les plus intéressantes de la milan d'aujourd'hui, créateur du mouvement nucléaire pendant les années cinquante, Giulia Alberti, Enrico Cattaneo -, je ne peux tous les citer ici. Ce livre est utile pour découvrir ce qui se joue à l'heure qu'il est dans cette ville qui a vu croître après la dernière guerre le talent de Lucio Fontana et celui de Piero Manzoni et qui a été l'épicentre du spatialisme et du MAC. Stefano Soddu rend hommage à ses contemporains avec style et cela est un geste bien rare dans le microcosme de l'art  moderne. Dommage qu'il n'ait pas fait son autoportrait comme l'avait fait Giorgio Vasari dans ses Vite dei più eccellenti pittori, scultori  e archittetori  !
Gérard-Georges Lemaire
07-02-2019
 
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Verso n°136

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