Le musée Paul Valéry de Sète organise actuellement une belle rétrospective des oeuvres de François Boisrond (jusqu'au 6 novembre). Cela commence avec la période « figuration libre » (un mouvement né à Sète, justement) et cela finit avec la curieuse Nymphe fluide avec stihl qui fait l'affiche de l'événement. L'artiste a maintenant 63 ans : c'est l'heure des bilans en effet, et l'on constate avec plaisir qu'il n'a pas changé depuis une déclaration de 1989 : « J'aime surtout l'art préhistorique, le gothique, l'art primitif, l'impressionnisme, l'art moderne. Toutes ces périodes me touchent au coeur. Elles sont à la fois individuelles et humaines. Elles respectent l'inconnu. J'aime moins l'art antique, la Renaissance, le Romantisme, le Symbolisme, l'art contemporain. Toutes ces périodes finissent souvent dans la décadence. Elles sont contrôlées, cérébrales, habiles. » Peintre, il n'a pas cessé « d'essayer de montrer ce qu'il a en commun avec tout le monde. »
C'est ainsi que Boisrond apprécie par exemple l'art des peintres de vitrines de cafés au moment des fêtes de fin d'année. Un Père Noël, tout droit venu d'un bistrot de la Porte de Montreuil, est devenu un thème de tableau comme d'autres produits visuels de notre société, choisis à la condition qu'ils soient « un peu bricolés, un peu bâtards. » Ce n'est pas Boisrond qui aurait commis le rapt d'une « demoiselle Ambre Solaire », comme Martial Raysse en son temps (produit sophistiqué en même temps que standardisé et impersonnel). En revanche, il affectionne particulièrement le bonhomme en forme de pompe à essence qui fait signe de venir à sa station-service, évidemment confectionné par le pompiste lui-même avec des autocollants, et dont Boisrond s'empara un jour à la campagne. On voyait aussi dans l'atelier de la porte de Montreuil des enseignes d'Afrique noire, peintes de manière naïve pour un coiffeur ou pour un restaurant de brousse. Ce sont des sources d'inspiration : rien de plus. François Boisrond n'aime décidément pas l'art contemporain dont il n'est pas difficile de constater la décadence.
Si l'on demande à Boisrond le nom de l'artiste qui le touche profondément, il répond Daumier. Un immense artiste qui, parce qu'il était un formidable dessinateur et lithographe, ne fut pas considéré comme un peintre par ses contemporains. Aimé de Baudelaire et Delacroix, mais méprisé par le public, le peintre de la Rue Transnonain et des Emigrants, le peintre des humbles qui peignait avec humilité touche aujourd'hui Boisrond. Baudelaire écrivit que Daumier le caricaturiste avait « poussé son art très loin, il en a fait un art sérieux. » On peut voir à Sète que François Boisrond a fait de son imagerie des affiches, des tee-shirts et des spots TV un véritable art sérieux (pas du tout contrôlé, cérébral, habile !). On comprend aussi pourquoi cet artiste bien connu, qui a beaucoup exposé un peu partout, attend toujours sa consécration par le Musée National d'Art Moderne. Comme Velickovic, comme Pignon-Ernest... Remercions le musée Paul Valéry de Sète de lui témoigner la reconnaissance qu'il mérite.
www.museepaulvalery-sete.fr
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