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[verso-hebdo]
26-03-2020
La chronique
de Pierre Corcos
Solitudes
Solitude subie, esseulement, ou solitude ressentie alors même qu'on est accompagné, ou encore solitude aimée, voulue : le théâtre, par le monologue ou par les décalages dans le dialogue, a dans son répertoire très bien exprimé ce sentiment complexe. Avec humour un Tchekhov par exemple en montrait un paradoxe, notant ceci : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas ». Les deux spectacles qui suivent mettent en scène une solitude concrète, patente, et une autre solitude, sans doute plus insidieuse et fondamentale, que la rencontre fortuite et l'espérance du grand amour ne parviennent guère à surmonter.

Charles n'est plus très jeune, il a été quitté par Solange. Douloureuse séparation, solitude, dépression. Il essaye de remonter la pente et, pour conforter un moi battu, éreinté, malheureux, il tente de s'identifier éperdument à un symbole historique de courage, résistance et humour infrangible dans l'adversité : Winston Churchill. Le spectacle d'Hervé Le Tellier Mon dîner avec Winston (jusqu'au 5 avril au Théâtre du Rond-Point, et reprise probable si annulation), mis en scène et interprété par Gilles Cohen, qui a co-construit ce projet original, raconte cette drôle de soirée durant laquelle Charles a invité l'illustre convive... mort depuis cinquante-quatre ans. Il a mis un tablier de cuisine, préparé le repas, acheté six bouteilles de champagne et, bien entendu, les cigares préférés de son hôte malicieux. Il lui parle, et ce Winston Churchill évoqué lui « répond », avec ses phrases que l'humour a transformées en armes anti-désespoir. Et par exemple celle-ci : « le succès, c'est d'aller d'échec en échec en gardant le même enthousiasme »... Au fond cette soirée, où la grande Histoire rencontre l'histoire minuscule, et où l'imagination se porte au secours de la réalité, ne fait-elle pas aussi se croiser deux solitudes ? Celle d'un premier ministre et chef de guerre qui sut galvaniser son peuple au moment où tout semblait perdu, solitude héroïque et si lourde de responsabilités, et celle d'un homme moyen, petit agent d'assurances, fragile et abandonné ? Charles est aussi, à son niveau et à sa façon, un héros devant résister à la marée noire de la désespérance d'un côté et, de l'autre, à un réel hérissé de tracas. Alors, cette admiration sans bornes pour une figure charismatique peut paraître infantile aux spectateurs qui s'en sortent bien dans la vie ; et le psychanalyste dira qu'il faut, pour devenir adulte, renoncer aux illusions autour de ces omnipotentes figures phalliques. Mais justement le personnage, interprété avec finesse par Gilles Cohen, nous touche parce qu'il est resté, dans sa ferveur et son besoin de protection, un enfant. Comme chacun lorsqu'une situation le dépasse totalement... Hervé Le Tellier, quant à lui, admire en hommes de lettres les traits d'esprit, les apophtegmes de Churchill, quand de son côté Gilles Cohen avait eu l'envie d'un spectacle autour des discours de guerre du premier ministre britannique. De cette collaboration est né un objet théâtral inattendu, où l'évocation historique côtoie une mise en scène raffinée du sentiment de solitude, tel que souvent les monologues et les rêveries mégalomanes viennent le hanter.

Elle est jeune, baby-sitter. Lui, plus âgé, est représentant de commerce et gagne difficilement sa vie. Elle est assise sur un banc dans un square, lui est assis un peu plus loin. Ils s'adressent la parole et leur solitude, bien différente, transparaîtra dans cet échange aimable d'abord et de plus en plus véridique... Paru sous la forme d'un roman dialogué, Le Square avait de grandes chances d'être vite adapté pour le théâtre par son auteure, Marguerite Duras. Depuis 1957 où la pièce fut montée au Théâtre des Champs-Élysées, on a eu maintes fois l'occasion d'admirer ce dialogue simple, essentiel, entre un homme et une femme, dialogue qui, malgré les incontestables changements des moeurs, a en profondeur peu vieilli. Interprété avec grâce par Dominique Pinon et Mélanie Bernier, dans une sobre mise en scène et une adaptation de Bertrand Marcos, Le Square (jusqu'au 19 avril, sauf annulation, au Lucernaire) nous montre la solitude en creux : justement par l'effort soutenu, la passion à vouloir y échapper... La femme va ainsi tous les dimanches au bal pour rencontrer l'homme de sa vie, parce qu'elle croit avec ardeur, piété même, au grand Amour qui la tirera de sa condition et lui apportera le bonheur. L'homme, quant à lui, a enduré trop de déceptions et d'épreuves pour avoir encore l'énergie ou l'espoir de changer sa condition, et il s'est adapté à sa solitude avec autant de sagesse que de fatalisme. Après quelques banalités, la conversation, nourrie d'intérêt et d'une véritable sympathie, s'engage entre ces deux solitudes. On peut y entendre les échos de ces rencontres entre célibataires, contactées par petites annonces, et qui tentent de repérer d'éventuelles affinités. On peut surtout y apprécier le talent de Duras à nous faire éprouver l'immense solitude, à l'orée de la mort, du suicide. Également de l'écriture. Du spectacle mis en scène par Bertrand Marcos, il n'émane pas de désespoir, parce que la parole, le langage y effacent continuellement la solitude dont pourtant ils n'arrêtent pas de dessiner le contour... Peut-être ces deux êtres vont-ils s'unir plus tard, peut-être jamais. Mais peu importe : ils se sont vraiment parlé.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
26-03-2020
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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