ID : 33
N°Verso : 65
Les Artistes et les Expos
Titre : Un art qui vaut son pesant d'or : Vitantonio Russo imagine une mise en scène esthétique et ironique des relations de l'art et de l'économie
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 12/10/2012



« Economic-Art, Gain from Trade », Vitantonio Russo, commissariat de Lucrezia De Domizio Durini et de Massimo Riposati, Limenotto9cinque Arte Contemporanea, Rome.

Catalogue : Edizioni Carte Segrete, texte de Lucrezia De Domizio Durini, s.p., 45 €.

Un art qui vaut son pesant d'or : Vitantonio Russo imagine une mise en scène esthétique et ironique des relations de l'art et de l'économie
par Gérard-Georges Lemaire

        Voici quarante années que Vitantonio Russo poursuit une œuvre absolument unique en son genre, qui repose sur les rapports complexes et conflictuels entre la création artistique et les modalités de l’économie. Voici quarante années, même après avoir été présenté à la Biennale de Venise, on continue à ignorer son œuvre qui, en dehors d’avoir une splendide cohérence intellectuelle et esthétique, est aussi une remarquable prémonition du rapport de l’homme moderne avec les principes de l’économie.

        Au début de son aventure, Russo a utilisé des machines – distributeurs de biens de consommations, machines à sous – qu’il a détournées pour mettre en évidences des principes simples et parlants du système. Ces œuvres avaient une fonction démonstrative mais aussi ludique. Professeur d’économie de grande réputation, il a mis ses connaissance au service d’une réflexion jusque là inexplorée : les lois (présumées), toutes les théories et le langage spécifique de l’économie sont métamorphosées dans des œuvres qui peuvent tout aussi bien être des objets, des tableaux, des installations, des textes (les écrits de Russo font partie intégrante de son travail artistique).

        S’il a su se montrer d’une rare constance dans sa démarche, Russo a également su se renouveler sans cesse. Sans doute remarquerons-nous certaines constantes, comme les tableaux où les courbes et les tableaux, les notes manuscrites et les bilans chiffrés sont distribués selon un ordre propre qui, tout en restant révélateur (et en même temps dénonciateur) des lois économiques constituent des compositions fascinantes. La beauté est ici indispensable : car à la fascination qu’inspire cet univers inflexible, sans morale, sans une once de grâce, répond la fascination de l’art.

        Vitantonio Russo n’a pas été le premier à avoir fait un tel rapprochement dans ces termes. Andy Warhol l’a fait avec ses tableaux représentants des billets d’un ou de dix dollars. Ce dernier a engendré une ambiguïté absolue entre son mode d’expression (prétendument impersonnel) et son « sujet ». Mais Warhol, aussi radicale ait pu être sa démarche, est demeuré dans la perspective classique de la peinture et l’a subvertie de l’intérieur. Russo, qui a connu Joseph Beuys et en a subi l’influence, n’a pas voulu que ses œuvres soient neutres, même si elles sont belles, captivantes et parfois divertissantes.

 

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