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Samedi 29 février du 15h au 17h
Atelier créatif + goûter à Coutume (12€)
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MuséOthérapie, l’Art de se sentir bien !
Conférence Samedi 8 février à 15h :
« Art détox »
Estelle d’Almeida, chef de pr...
Ariane Loze - Une et la même
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[verso-hebdo]
25-04-2024
La lettre hebdomadaire de Jean-Luc Chalumeau Les Tiepolo, invention et virtuosité à Venise La chronique de Pierre Corcos Creuser la psychologie La chronique de Gérard-Georges Lemaire Chronique d'un bibliomane mélancolique
La chronique de Pierre Corcos |
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Les dissidents |
« ...le théâtre devient théâtre par sa relation au présent et au vécu humain et social. Je pense à cette atmosphère inquiétante et en même temps stimulante qui se dégage quand il y a entente véritable entre la scène et la salle. C'est irréalisable dans d'autres disciplines artistiques, c'est tout à fait particulier. », écrivait le dramaturge tchèque Václav Havel. La mise en scène par Anne-Marie Lazarini des deux célèbres et courtes pièces d'Havel, Audience et Vernissage (jusqu'au 31 décembre à l'Artistic Théâtre), notamment par la création d'une atmosphère à la fois stimulante et inquiétante, par un dispositif scénographique original réduisant la coupure scène/salle, est bien allée dans le voeu de l'auteur : que « scène et salle forment une communauté d'un type élevé ». Une communauté qui s'interroge, qui entend les questions de sa conscience : quel est le rôle, quelle est la valeur des dissidents ?
Voici donc des individus qui ne sont pas d'accord, qui se séparent d'une communauté, politique, sociale, religieuse. Des non-conformistes, des hétérodoxes, voire des hérétiques... Et leur vie en devient malaisée, périlleuse : ils sont persécutés, emprisonnés, torturés. Un jour, peut-être, assassinés. Et tout ça pour quoi ?... Pourquoi ne se soumettent-ils pas ? La réponse se trouve juste dans la situation qui leur est faite. Par le seul fait de leur persécution, ils révèlent que l'ordre établi n'habite pas ce « vrai » qu'il proclame, brandit sans cesse. Car la vérité n'a pas besoin d'être imposée par la police, elle se défend bien toute seule...
Alors certains diront tout de suite : cette dissidence concerne la période stalinienne révolue. Les dissidents Václav Havel, comme Pavel Kohout ou Milan Kundera nous renvoient au temps où le lugubre communisme bureaucratique soviétique occupait, opprimait la Tchécoslovaquie. Maintenant c'est fini : dans notre « démocratie libérale avancée », où chacun peut s'exprimer librement, écrire et dire ce qu'il veut, il n'y a plus de dissidents !... Ah bon ? Et nos lanceurs d'alerte par exemple ? Les Snowden, Brockovich, Frachon, Cicolella et autres ? Leur dissidence n'est-elle pas l'objet de « poursuites-bâillons » dont le but est de leur rendre la vie insupportable ? Et puis, n'existe-t-il pas aujourd'hui un « totalitarisme soft », bien plus aguicheur, efficace que celui, primaire et brutal, du communisme stalinien ?
Derrière le personnage de Ferdinand Vanek, héros d'Audience puis de Vernissage, il est sûr que l'on perçoit en filigrane le Václav Havel obligé - après le « Printemps de Prague » réprimé férocement - de travailler comme simple manoeuvre dans une brasserie de Bohême, alors que ses textes se voient partout interdits, et contraint de mener une existence plus qu'inconfortable, dont se gaussent des « amis » qui ont bien profité, eux, du système. Mais les textes d'Havel, la mise en scène d'Anne-Marie Lazarini ont su donner une ampleur de sens au héros malheureux, pouvant faire également de ce Vanek un artiste ou un intellectuel idéaliste résistant au cynisme consumériste dominant. « La fascination qu'on éprouve pour ces deux textes réside dans la constance de cette attitude, dans la posture tranquille de ce « révolutionnaire de velours ». », écrit justement Anne-Marie Lazarini. La constance de cette attitude de dissidence répond en effet à la permanence d'une « pensée unique » ou d'une « idéologie dominante ». Et de cette « doxa », il ne faut pas chercher longtemps pour en trouver les sentinelles, les « chiens de garde » ! La foule qui lui est soumise et marche au pas.
Dans Audience, Vanek est appelé dans le petit bureau de Sladek, son chef, qui le flatte, semble désireux de créer une étrange complicité entre eux. Toute l'ambivalence de Sladek, issu d'un milieu populaire, à l'égard des artistes, des intellectuels, transparaît. Mais on ne comprendra qu'à la fin la raison concrète de cette flagornerie, une raison qui témoigne du système de délation mis en place par le pouvoir totalitaire. Cependant, l'on pourrait très bien concevoir aujourd'hui, dans le monde du travail (harcèlement, licenciement) un équivalent de ce type de communication dissymétrique et manipulatrice... Dans Vernissage, Vanek est invité chez des « amis » qui, tout en lui voulant du bien, comme ils le répètent, n'arrêtent pas d'étaler leur supposée « réussite » à tous les niveaux, de lui en mettre plein la vue. Mais le sujet transcende la posture « m'as-tu vu » des nantis de la nomenklatura communiste tchèque : on retrouve ici le « bourgeoisisme » que Flaubert haïssait, ou le type même de réussite que, dans sa langue superbe, Raoul Vaneigem, dans Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, méprisait. Dans ces deux situations, Cédric Colas campe un Ferdinand Vanek essayant de toujours rester digne, intègre. Les autres comédiens (Stéphane Fiévet, Frédérique Lazarini, Marc Schapira) offrent une interprétation assez ouverte de leur rôle pour que chaque spectateur puisse retrouver dans sa mémoire, hélas, quelqu'un de réel déjà croisé.
« L'indépendance n'est pas un état de choses. C'est un devoir. », écrivait Václav Havel dans son livre Méditations d'été. Le temps des « silences complices », de la « servitude volontaire », de la « langue de bois », de la « pensée unique » ou du « politiquement correct » n'est pas derrière nous. Alors le temps des dissidents n'est pas révolu.
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