avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 88
N°Verso : 68
Dossier Tyszblat
Titre : Le défi du Jazz
Auteur(s) : par Francis Hofstein
Date : 24/07/2013



Bibliographie :
Francis de Miomandre, Dancings, Flammarion,
Paris 1932.
Klee et la musique, Centre Georges Pompidou,
Paris, 1985.
Tyszblat, Villa Tamaris centre d'art,
La Seyne-sur-Mer, 2005.
Paul Klee (7879-7940), Polyphonies, Actes Sud,
Cité de la musique, 2011
L'art du jazz, Éditions du Félin, Paris 2011

Le défi du Jazz
par Francis Hofstein

Il y a pourtant longtemps qu'il a renoncé aux formes closes, à la barrière du trait, aux contraintes de la courbe, et longtemps qu'il parvient « à maintenir l'allusif, l'ambigüité dont [il] a besoin ›› pour peindre. Mais pour jouer ? Sans jamais le cacher, il a tenu son piano, et donc son jeu, son plaisir d'instrumentiste, ce mode de relation particulier au musicien qui joue avec d'autres musiciens devant un public, cette sorte de collectivisation de l'invention, à distance de la pratique solitaire de la peinture. Dans le souci de protéger la séparation entre ses deux domaines d'exercice ? Comme si le jazz, avant qu'il ne l'appelle dans son atelier, ses crayons et ses pinceaux, n'en avait franchi le seuil...

Dirais-je qu'il n'y a pas de différence entre avant et après cette irruption musicale dans son travail pictural ? Le croirais-je lorsqu'il date de la présence d'un piano, d'une trompette, d'un tambour, d'un saxophone ou d'une contrebasse l'arrivée du jazz dans sa peinture ou le démentirais-je parce que couleur, sens, matière, intention... affirment la continuité, la cohérence de sa trajectoire ?
Il n'y a rien d'anecdotique dans les formes, objets, personnages, là un oiseau, ici un chapeau, le clavier d'un piano, un éléphant rouge plutôt que rose, prudence, le jaune d'un cuivre, un jeu de mains, à peine une danseuse, et l'automobile qui traverse Paris, histoire de signifier qu'un titre ne fait pas un tableau. Éternel problème de la représentation où le jazz n'est le jazz que parce qu'il en est dit ainsi, ce qui suffit et ne suffit pas.

Comme Klee, qui s'est bien gardé, tout en pratiquant comme tout le monde l'analogie, d'élaborer quelque doctrine que ce soit des correspondances entre peinture et musique, Michel Tyszblat donne à ses tableaux des titres empruntés à la musique. Au jazz donc. Mais son vocabulaire demeure pictural, sa peinture est celle d'un peintre et non d'un musicien, ce qui n'exclut pas une pollinisation croisée. Et l'on peut imaginer que le jazz joue sa partition dans le désordre qu'organise le peintre sur la surface où se disposent les formes et les couleurs qui le représentent, mêlant le temps de la musique à l'espace de la peinture.

Juste équilibre, formes floues, objets flottants, toile vive, principe de plaisir, intention dynamique, chaleur de la matière, déformation de l'apparence, mystérieux accord de couleur, souci du sens, imprécision furtive, équilibre instable, Michel Tyszblat ose son portrait du jazz, des lors inscrit sans reniement dans sa démarche. Compte moins le titre, indice insuffisant, que le matériau où les instruments font signe, clin d'œil, qui suffit à conférer à la série identité et pérennité. Ce qu'elle pulse atteint qui s'y laisse prendre et inclure, recevant, acceptant le désordre qu'elle ne peut manquer harmonieusement de provoquer comme un bénéfice secondaire. Si, de surcroit, son regard entraîne au jazz, comme cette fausse note que celui-ci a appris très tôt à incorporer et dont il a gardé en toute rigueur la règle intacte par respect pour son origine et son histoire, ce que la peinture de Michel Tyszblat n'exige pas, alors le peintre aura entièrement relevé le défi et ajouté une sérieuse plus-value au partage que proposent ces noces réussies du jazz et de la peinture.

 

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