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ID : 104
N°Verso : 69
L'artiste du mois : André-Pierre Arnal
Titre : Les supports d'André, les surfaces de Pierre et les peintures d'Arnal
Auteur(s) : par Marie-Domitille Porcheron
Date : 07/10/2013



Les supports d'André, les surfaces de Pierre et les peintures d'Arnal
par Marie-Domitille Porcheron

           « Le mystère [écrit-il] est donc ce passage à l’acte de prise de contact avec la matière. Ce passage n’est ni réfléchi ni maîtrisé. Il est contingent et peut durer toute la vie. /…/ La cohérence de l’œuvre viendra aussi de l’adéquation lentement découverte entre le travail produit et le fondement inconscient de la personnalité qui se traduit quelquefois par l’idée qu’un peintre repeint la même toile toute sa vie. Peut-on échapper à ce qui, jour après jour, dans l’enfance, s’est “ structuré comme un langage ” et n’a de cesse, jour après jour, dans la maturation de l’être, de “ parler ” dans les gestes qui feront signe, par des signifiants conjugués qui feront sens ? Le combustible d’une œuvre n’est pas le matériau utilisé, c’est la sensibilité de l’artiste. Le matériau n’est qu’intermédiaire et contingent, souvent aléatoire et obsessionnel tout à la fois. »[5]
           Qu’il fripe, frotte, trempe, teinte, arrache, colle et décolle, plie, applique, froisse, ligature, déchire, griffe, peigne, caresse, soulève, enlève, ajoute, reprend, repasse, rabote et lime, le peintre, d’une œuvre se sert, réfléchit, pense pour engendrer la suivante qui elle, également sert… On s’attachera à cerner les cohérences depuis les premiers papiers de 1961. De même qu’on s’étonne et se réjouit de décliner tant de riches mots sur des opérations après tout matérielles qui fondent l’acte de peindre et la peinture. Ces mots, qui sont la constatation d’un regard sur la peinture d’André-Pierre Arnal, offrent au philosophe de l’art qu’est Gilbert Lascault et à tant d’autres un vocabulaire aisé[6] : un mot simple décrit l’opération picturale sans appauvrir son extrême complexité.            J’évoquais la cohérence de l’œuvre : Les monotypes des années 1964-65 ; Les Pliages de 1969 à 1975 qui trouvèrent leur apothéose en ces 500 Opera ; 500 morceaux de trente sur trente centimètres qu’il teinta, encolla et plia de manière toujours différente et qui, jetés à terre sculptaient une « peinture en morceaux »[7], et clôturaient les pliages dans leur acception liée à Support(s)-Surface(s) (fig. 3); Les Ficelages de 1975 et après ; Les Colonnes du ciel assemblent sur un carré de deux cents centimètres ou isolent sur des bandes de toile blanche de deux cents centimètres sur soixante dix des fragments de temps et de saisons; les Pochoirs de 1986 à 1988 ; les Météorites ; Les Arrachements de 1989 qu’il arrache justement au désordre du monde ; Les Collages qui le recomposent - le monde ; Les Ardoises de 1992, ces fermes petits formats cerclés de bois qui l’enserrent ; Les déchirures obliques nées spontanément lors d’un été 2002 qui, penchées, figurent la succession des mots écrits et, la peinture, une page ; Les Froissages ; Les Livres où, au siècle du numérique, l’artiste compose et écriture et peinture sur le miroir de la double page.

Insisterais-je pour finir sur les développements plus spectaculaires de cet art- le rideau d’avant-scène pour le Théâtre d’O de Montpellier (2004) ou les vitraux de la Chapelle de Saint-Raphaël (conçus en 2006, réalisés par les ateliers Duchemin à Paris en 2007, ils sont installés depuis 2008) - qui continuent d’affirmer la cohérence entre support, surface et matière explorés tour à tour dans toutes leurs incidences et leurs accidents ? Dirais-je aussi l’élégance, la souplesse, la sûreté et parfois la violence guidée des gestes de l’artiste qui, de l’espace, invite à en jauger et imaginer les poétiques colorées ?

[5] André-Pierre Arnal, Dans le vif du sujet, 11/1/89, archives personnelles.
[6] Gilbert Lascault, « l’Odyssée des couleurs. Travaux sur papier d’André-Pierre Arnal » dans André-Pierre Arnal. 50 ans de papier fait surface, Galerie Convergences/Galerie Intuiti, 2013, p. 6-18.
[7] Ils sont aujourd’hui conservés au Centre national d’art et de culture- Georges Pompidou à Paris : André-Pierre Arnal (1939 - ) Opéra, 1975, toile collée, dimensions variables, 500 petits volumes de toile teintée, pliée et collée, disposés en vrac ou alignés au sol, don de l'artiste, 1998, n° d'inv. AM 1998-142

 

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