avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 113
N°Verso : 73
L'artiste du mois : Denis Rivière
Titre : Est-ce un ange ?
Auteur(s) : par Denis Rivière
Date : 12/02/2014


Deux expositions sont actuellement consacrées à l’œuvre du peintre Denis Rivière : d’une part « Ciels » à la galerie Anne-Marie et Roland Pallade, 35 rue Burdeau 69001 Lyon (jusqu’au 15 mars) et d’autre part « Une aventure plastique » à la galerie Patrice Peltier, 35 rue Guénégaud, 75006 Paris (jusqu’au 8 mars).
Nous publions un texte de Renaud Faroux consacré à la première, et un texte de Denis Rivière lui-même à propos de la seconde.

la galerie Anne-Marie et Roland Pallade

la galerie Patrice Peltier

Est-ce un ange ?
par Denis Rivière

Je suis un baigneur sans nom, sans âge ni origine. Asexué comme un ange. Il m’a trouvé dans une brocante vide-grenier et m’a demandé d’être son modèle.
Me voilà devenu pour un temps limité, l’égal de ces odalisques et autre ingénue nue comme un bébé joufflu. Fabriqué en celluloïd je suis destiné à exister sous forme de matière colorée à base d’huile et muter ainsi du plastique à la plastique.
Il souhaite que je pose dans des situations ou des paysages parfois étranges ou incongrus. Il tente avec conviction de figurer une vision proche de la réalité visuelle et d’y introduire un élément qui perturbera le regard.
Après avoir fait des séjours riches en documentations sur les cultures romaines, hellénistiques et égyptiennes, Il m’a confié avoir beaucoup travaillé sur ces civilisations. Ainsi revisitant la Grèce antique, il m’impose de soulever un Blockhaus de la dernière guerre comme travaux d’Hercule. Il me rappelait à cette occasion avoir peint toute une série sur le mur de l’Atlantique érigé par les allemands lors du conflit 39/45.
J’ai dû prendre des bains dans des eaux différentes. A la mer, pour évoquer les drames de ces gens qui disparaissent noyés dans l’indifférence coupable de ceux qui n’ont jamais faim.
J’ai appris à flotter sur des eaux calmes comme John Everett Millais nous le propose dans son tableau fameux « Ophélie » de 1852, mais aussi de plonger parmi les feuilles de nénuphars pour tenter de récupérer Claude Monet tombé au fond de l’étang. Il m’a construit une balançoire sur une grosse branche d’un des nombreux arbres de son jardin m’a assis dessus et m’a demandé de prendre la pose. Hélas, je ne pouvais me balancer, je n’avais pas le droit de bouger, sinon c’était le martinet.
Il m’entraîne également dans des situations plus tendues. C’est la chute de l’Ange déchu sur un fond abyssal bleu profond où Je songe évidemment au rêve d’Icare voulant fuir Minos.
A ses moments ludiques, il m’assoit de façon triviale dans une bassine en plastique, me loge entre les cornes d’un bovidé et évoque ainsi les paysages de son enfance normande, me dépose dans les bras d’une femme toute vêtue de marbre entourée par une végétation sombre voire inquiétante, je suis seul et le geste maternel ne peux être suivi d’effet, cette femme est de pierre.
Je me retrouve une autre fois assis sur les bords d’un trottoir parisien et clapotant les pieds dans l’eau claire qui jaillit d’une bouche de caniveau, entouré de mégots de cigarettes.

 

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