Gina Pane, terre-artiste-ciel, Sophie Duplaix, Actes Sud, 260 p., 59 €.

Cette imposante monographie revêt une grande importance à mes yeux. En effet, elle nous permet de redécouvrir cette artiste disparue prématurément. On comprend que son œuvre ne se limite pas à ces scarifications sur l’épiderme qui l’ont, certes, rendue célèbre. On découvre sous la plus de Sophie Duplaix et grâce à l’abondante iconographie, une autre artiste, qui a des préoccupations formelles d’un genre très particulier. Le corps a presque toujours été au centre de ses préoccupations, c’est vrai. L’auteur nous rappelle que c’est la lecture du livre du psychanalyste autrichien Paul Schilder, publié pour la première fois en 1935 et traduit en français en 1968 qui a influencé grandement Gina Pane et a orienté ses recherches dans un sens précis. Elle avait jusque là créé des installations, dont La Pêche endeuillée avec des cordages et des caissons noirs disposés sur un plan entièrement blanc, qu’elle a développée à plusieurs reprises par la suite.
Ce sont des sculptures peintes avec une inclination pour la monochromie. A cette époque, on constate qu’elle subit simultanément l’influence du minimalisme américain et du Land Art. Par la suite, au milieu des années 80, elle a réalisé des ensembles muraux où elle a utilisé différents types de matériaux (bois, verre, fer, zinc parfois avec des interventions au fusain et des éléments photographiques). Ce sont différentes versions du Martyre de saint Laurent (1985-1986), Le Manteau de Marie pour pauvre et riche (1986-1988), Le Manteau de saint pour pauvre et riche (idem). Ce sont des compositions superbes qui reposent sur un paradoxe : le thème religieux et le traitements presque abstrait. La Via dolorosa (1988-189) est sans nul doute l’aboutissement de ce cycle superbe. Tout cela, et bien autres choses, permet de relativiser les interventions sur son propre corps qui donnent froid dans le dos ! Je ne saurais trop conseillé la lecture de cet ouvrage qui fait tomber des murs d’idées reçues

A la gloire des bêtes, Emmanuelle Héran, s. p., 8,40 €.

L’exposition « Beauté animale, de Dürer à Jeff Koons » présentée au Grand Palais ce printemps semble faire partie de ces manifestations « de replis stratégique (et financier) » de l’Etat et de la direction des musées nationaux qui nous avaient habitués à bien autre chose. On y trouve de petites merveilles, comme les Oiseaux exécuté par un peintre anonyme allemand ou le Lièvre entouré de plantes d’Hans Hoffmann. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, sauf rares exceptions, ces travaux étaient liés à l’étude scientifique.
Puis, on voit les artistes traiter leur modèles avec une liberté beaucoup plus grandes, jusqu’à les styliser, comme le fit Pompon ou Bugatti. Mais de grands peintres animaliers se révèlent encore au XIXe siècle, comme l’Anglais Landseer et la Bordelaise Rosa Bonheur. Un des points intéressants de cette manifestation, c’est que, parfois, les artistes ont souhaité faire des autoportraits avec des bêtes, de Rembrandt à Frida Kalho. Une des curiosités la plus saisissante est la chauve-souris de Van Gogh. Quant aux contemporains, on ne comprend pourquoi ne pas avoir choisi les estampes de Picasso pour l’Histoire naturelle de Buffon. Ce petit livre donne l’envie d’aller visiter cette exposition qui aurait été plutôt mieux destinée au Muséum d’Histoire naturelle qu’au Grand Palais…