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[verso-hebdo]
02-06-2021
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Peintres femmes, 1780-1830, sous la direction de Martine Lacas, Réunion des Musées Nationaux - Grand Palais / musée du Luxembourg, 208 p., 40 euro.

Le sous-titre de cette exposition et donc celui du catalogue donne une idée de ce qui a été au fondement de cette exposition : « Naissance d'un combat ». Etant donné la période choisie qui va de l'Ancien Régime à la Restauration, en passant par la Révolution, le Directoire, le Consulat et l'Empire, on ne distingue aucune figure de femmes révoltées et pas même une Olympe de Gouges avec pinceaux et couleurs. C'est plus tard que des femmes vont s'affirmer avec de plus en plus de force pendant le dernier tiers du XIXe siècle et tout le XXe siècle. Nous dirions de Rosa Bonheur à Louise Bourgeois, de Berthe Morisot ou Eva Gonzales, jusqu'à Sonia Delaunay ou Niki de Saint-Phalle. Sans véritable combat d'ailleurs. Cette qualification fait oublier qu'il y a eu des femmes éminentes dans cette sphère de l'art depuis la Renaissance, avec Sofonisba Anguisola, la Tintoretta (la fille de Tintoret), Plautilla Nelli, Levina Teelinc, et plus tard Artemisia Gentileschi, fille d'un très grand artiste, Oreste, aujourd'hui presque oublié ! Des créaréiques comme Louise Moillon et Josella de Obidos ne sont pas à dédaigner alors qu'elles ont travaillé au cours du XVIIe siècle. Il y a donc eu un certain nombre de femmes artistes qui ont marqué leur époque et qui n'ont pas toujours été bien traité par l'histoire et par ses interprètes, à commencer par Giorgio Vasari.
Dans la période mise en valeur ici, on se rend compte que des femmes, souvent jeunes, qui ont eu des positions éminentes, comme Madame Vigée Le Brun, qui a été le peintre attitré de Marie-Antoinette, aussi un membre de l'Académie royale, avant de faire une carrière éblouissante dans les grandes cours d'Europe et de devenir le peintre le plus cher de son temps. Marie-Geneviève Bouliard (1763-1825) une petite provinciale d'origine modeste - sa mère était couturière - a étudié dans des ateliers réputés et est devenue très recherchée pour ses portraits. Elle a exposé au Salon sans interruption de 1791 à 1817. Fille du peintre Joseph Ducreux, qui a travaillé pour la reine, s'est fait une réputation en présentant son autoportrait à la harpe. Elle a continué à exposer au Salon jusqu'en 1799. La maladie a brisé dans l'oeuf une carrière plus que prometteuse. Quand on examine les biographies de ces dames, on se rend compte qu'un bon nombre d'entre elles sont parvenues à s'imposer. Peu d'entre elles nous sont familières c'est vrai. Et pourtant, Par exemple, Henriette Lorimer (1775-1854) a fait une carrière plus qu'honorable et sera applaudie pour le portrait de son mari, François Pouqueville.
Elle a obtenu au Salon une médaille de première classe et la princesse Caroline la remarque : elle lui a acheté une toile. On remarquera que la plupart de ces artistes ont excellé dans l'art du portrait. On remarquera qu'elles n'ont pas beaucoup été portées à réaliser des natures mortes, même si ce genre a eu ses lettres de noblesses avec Chardin. D'aucunes ont eu à coeur de représenter des ateliers d'artistes connus, comme Adrienne-Marie-Louise Rampierre Deverzy, qui a peint L'Atelier d'Abel de Pujol en 1822, Marie-Gabrielle Capet, qui a immortalisé L'Atelier de Madame Vincent en 1800, ou encore Marie-Amélie Cogniet qui a brossé l'atelier de son frère, avec qui elle travaillait. Elles ont souvent aimé montré des ateliers où travaillait une femme, comme c'est le cas pour Marguerite Gérard avec son Artiste peignant le portrait d'une musicienne (circa 1800) ou Catherine-Caroline Cogniet Thévenin, en 1806, avec l'Atelier de jeunes filles.
En revanche, la peinture d'histoire (qui englobait mythologie et histoire), qui était alors le « grand genre » était rarement traitée. Il est vrai que cette disciple au sommet de la hiérarchie des arts plastiques, leur était sinon interdite, mais peu recommandée. On rencontre la plupart du temps des allégories ou des scènes de genre, des allégories ou encore des scènes de genre. Les figurations de moments historiques sont assez rares. On découvre dans cette exposition une composition de Henriette Lorimier, Jeanne de Navarre conduisant son fils Arthur au tombeau de son père Jean VI, duc de Bretagne (1806) ou La Mort de Malek-Abdel, peint par Catherine Davin-Mirvault en 1814. Mais ce sont là des exceptions. Oublions ces polémiques pour le moins ridicules et contentons-nous d'apprécier la qualité du travail de la majorité de ces femmes dont beaucoup ont été écartées des manuels d'histoire de l'art. Mais cela a été vrai pour d'immenses artistes qui étaient des hommes ! Ce choix nous prouve en tout cas que ces dames n'ont pas été muse à l'écart et qu'elles ont pu mener des carrières honorables tout en laissant à la postérité des oeuvres qui méritent d'être appréciée avec le recul apaisant des siècles. Et il est indispensable de toujours remettre en question un certain nombre d'a priori, même dans le champ de l'art.




Pull My Daisy, Jack Kerouac, Robert Frank, Alfred Leslie, textes de Patrice Rollet & Jack Sargeant, photographies de John Cohen, Editions Macula / Centre Georges Pompidou, 244 p., 20 euro.

La Beat Generation, ce n'a pas été une grande histoire. Il y a bien eu un projet ambitieux, celui de Brion Gysin, d'adapter The Naked Lunch de William S. Burroughs au cinéma. Mais il ne s'est jamais concrétisé. Ne reste alors que des courts métrages expérimentaux, tournés par Anthony Balch, comme The Cut-Ups et Towers Open Fire. L'histoire de Pull My Daisy est d'autant plus intéressante qu'elle représente un cas unique sans cette aventure qui a laissé une trace dans le roman et la poésie, et pas seulement aux Etats-Unis. Le film devait 'intituler à l'origine The Beat Generation, mais ce n'a pas été possible pour des raisons juridiques (la MGM avait déjà un projet de film portant ce titre). Alfred Leslie est avant tout peintre, mais il a tenté l'aventure comme réalisateur. Robert Franck est essentiellement photographie ; mais l'idée de tourner un film le tente beaucoup. Les moyens financiers et techniques sont donc très pauvres. Patrice Rollet nous relate comment a mûri l'idée de ce film. Les nombreuses photographies prises par John Cohen nous donne une certaine idée de l'esprit débridée qui a présidé à la création de cette oeuvre cinématographique où Jack Kerouac lit un poème (celui qui a donné son titre au film, un peu réécrit par Ginsberg et mis en musique par David Amram, accompagnée par la chanteuse Anita Ellis, au début et ou le personnage d'Allen Ginsberg se change en Alan. John Sargeant s'attache, lui, à expliquer la démarche littéraire de Kerouac et le film, comme la plupart de ses romans, a une dimension autobiographique.
Ce film a presque été entièrement tournée dans l'appartement de Leslie et un peu à Brooklyn. Son tournage a commencé en janvier 1959. Larry Rivers y interprète le rôle du serre-frein Mile, une sorte de réincarnation de Neal Cassady. Allen Ginsberg et Peter Orlovsk y tiennent leurs propres tôles, de même que Gregory Corso. Delphine Seyrig sous le pseudonyme Beltiane, la femme de Milo. Enfin, Sargeant résume l'intrigue. En plus du dossier photographiques deux entretiens, l'un avec Alfred Leslie, l'autre avec Robert Frank, nous permettent d'entrer de plain-pied dans l'esprit de ce tournage et d'en connaître et l'esprit et les circonstances dans le moindre détail. Enfin, le poème Kerouac est reproduit dans ces pages, bilingue. C'est une publication qui fait découvrit un aspect peu connu de l'histoire de ce groupe d'amis qui, déjà à cette époque étaient connus, Ginsberg pour Howl et Kerouac pour On the Road. C'est une somme permettant de mieux comprendre comment la Beat Generation, a souhaité sorti du champ de la littérature pour entrer dans celle du cinéma, ou plutôt, de faire apprécier cette littérature nouvelle par le biais du Septième Art.




La Maison Changenet, une famille de peintres entre Provence et Bourgogne vers 1500, sous la direction de Sophie Caron & Elliot Adam, Editions in-fine / Louvre Editions, 180 p., 32 euro.

Nous connaissons certains des grands ateliers de la Renaissance italienne. Mais en ce qui concerne la France, il faut attendre une date bien plus tardive pour savoir comment fonctionnaient les ateliers de peinture. Et cela est encore plus flagrant pour ce qui est de la province. Cet ouvrage, qui a représenté une recherche très poussée, nous permet de faire connaissance avec une famille d'artistes qui, selon toute vraisemblance, était établie à Dijon à la fin du XVe siècle. Il est vrai qu'il existe un décalage temporel important entre ce qui s'est passé en Italie ou dans les Provinces-Unies. Puis elle ira s'établir à Avignon et enfin à Marseille. Jean Changenet semble d'être établi dans l'ancienne cité des papes en 1484. On le surnommait « le Bourguignon » car il était originaire de Langres. On sait qu'il a fait appel à des artistes de la Bourgogne. On sait aussi qu'il a eu des commandes municipales. Sophie Caron s'et employée à rechercher ses oeuvres. Elle nous parle des Trois prophètes, qui se trouvent actuellement au musée du Louvre, d'un Saint Pierre très remarquable pour sa composition et aussi la finesse de son exécution.
Jean Changeret n'est pas seulemement un artiste habile, qui a du métier, mais aussi un peintre capable de restituer des émotions fortes et de construire son sujet avec intelligence. On voit aussi une belle Mater Dolorosa campée devant une église. Notre auteur est convaincu qu'il a tiré profit des enseignements du peintre de Gand, Hugo van der Goes, ce qui paraît tout à fait possible. Elle est persuadée qu'il a eu des liens profonds avec la Provence et qu'il présente des affinités avec Nicolas Froment et Van Eyck. Quant à Elliot Adam, il fait noter qu'il a été le voisin en Avignon d'un autre peintre de qualité Jean Grassi de Piémont. Ce dernier aurait achevé un certain nombre d'oeuvres ecclésiastiques que Jean Changenet aurait laissé inachevé (sans doute à cause de son départ). Maison connaît de lui une superbe Présentation au temple. Il a aussi été l'auteur de plusieurs scènes religieuses de qualité. Ensuite, Sophie Caron nous fait connaître un autre collaborateur de Changenet, un artiste d'origine espagnole, Juan de Malda. Il ne manque pas non plus de talent comme le prouve son Saint Grégoire évêque. Après la mort du maître, l'atelier a été transféré à Marseille. Là, c'est Josse Lieferinxe qui prend le relais. On lui attribue une Résurrection et cinq panneaux de la Vie de la Vierge conservés au musée du Louvre. On lui attribue aussi (ou à son atelier) aussi un beau Saint Yves. Le Calvaire du parlement de juin est l'expression la plus accomplie de cette lignée de peintres tout à fait estimables.
Malheureusement, il n'est pas vraiment aisé d'identifier les auteurs des oeuvres et de suivre le cours de l'existence de ces artistes qui ne sont pas indifférents pour la connaissance de cette période. C'est d'autant plus regrettable que bon nombre d'oeuvres restent à être attribués et sont d'une valeur incontestable. Enfin, nous retournons en arrière dans le temps et nous nous retrouverons à Dijon, rue de la Verrerie, en compagnie de Jean I Pierre Changenet. On s'aperçoit que vers le milieu du XVe siècle, il subsiste des traces bien marquées de l'enluminure médiévale. Bientôt, le style et le traitement des sujets évoluent assez vite. Ce volume est destiné d'abord aux érudits, mais aussi aux amateurs d'art curieux qui veulent mieux connaître ce qu'a été la Renaissance en France.




Aimer David, Alain Jouffroy, préface de Renaud Ego, « Studiolo », 204 p., 8, 50 euro.

S'il a été dans sa jeunesse profondément été influencé par André Breton, qu'il a rencontré juste après la fin de la guerre, Alain Jouffroy (1928-2015) n'a pas été l'un des derniers membres d'un groupe surréaliste réduit à sa part congrue. Il a joué un grand rôle dans l'introduction de la Beat Generation américaine en France, il a été l'un des fondateurs de la revue Opus international, il a découvert et aidé de jeunes poètes, il a contribué à la consolidation de la Figuration narrative, en somme, il a joué un rôle de passeur non négligeable dans la culture des années 1960 et 1970. Avec ce David, il affirmé en 1989 avec cet ouvrage à dépouiller l'image du peintre de ses légendes et aussi à le faire sortir d'une vision muséographique qui en a éliminé portée révolutionnaire de sa peinture, mais aussi de ses idées. Dans son Journal, Eugène Delacroix le décrit comme le père de l'école moderne et, dans une lettre écrite en 1865, Charles Baudelaire en fait les louanges. Jouffroy entend redonner à David sa place véritable dans l'histoire de l'art.
Dommage que le préfacier ait cru nécessaire de la présenter dans des termes pamphlétaires violents (et aussi avant de mots inutiles), qui ne sont pas tout a fait adaptés à cette réhabilitation qui est faite avec une forte conviction. Alain Jouffroy rappelle les circonstances où David a épousé la cause révolutionnaire : il figure dans les rangs des Jacobins et siège au sein de la Montagne. L'auteur rapproche les points de vue de Sade et de David. Ce n'est pas absurde, mais c'est à mon sens un peu forcé. Ne serait-ce qu'à a use du fait que l'artiste était dépité et que l'écrivain était prisonnier. La finalité de son livre n'est pas de donner une nouvelle lecture de l'oeuvre de David, mais de lui redonner une place dans la culture du XXe siècle. Il s'attache à expliquer La Mort de Bara, laissé inachevé, qui peut être inclus dans ce culte de la vertu dont fait aussi partie son Assassinat de Marat. Robespierre transformé la mort du jeune homme en une légende républicaine. David s'est écarté de cet imaginaire propagandiste. Puis Jouffroy revient sur le rôle de l'artiste dans l'aventure révolutionnaire (il oublie en voulant le dédouaner, qu'il a signé l'ordre d'exécution de Camille Desmoulins !). Mais c'est surtout dans la sphère picturale qu'il tient à montrer la préscience dont il a fait preuve en optant pour le néoclassicisme et que Diderot a su reconnaître en ce jeune peintre des qualités insignes.
Il souligne aussi le fait qu'il a vanté les mérites de Fragonard. Puis Jouffroy revient qur la chute de Robespierre et nous explique que David n'était pas présent à la Convention le 9 Thermidor parce qu'il était malade depuis quelques jours. Le peintre est accise, emprisonné à deux reprises. Mais il échappe à l'épuration drastique des Jacobins. Autre sujet abordé par l'auteur : les femmes dans ses tableaux. David avait observé une féminisation de la Révolution. Par ailleurs, il a fait beaucoup de portraits de femmes qui ne figurent pas toujours dans ses oeuvres majeures en dehors de Marat où Charlotte Corday semble être le personnage principal. Quand il peut quitté son exil en Belgique et est rentré en grâce, il fait des portraits du Premier Consul et de l'empereur, mais ne brosse aucune bataille. Il est le peintre des événements ponctuant la carrière de Napoléon Ier. Il a profondément renouvelé ce qu'on appelait alors la « peinture d'histoire » et cela dès la fin de l'Ancien Régime.
Mais il a l'a entreprise sans provoquer un scandale ou un ébranlement de l'édifice esthétique de son temps. Malgré sa haine de l'Académie, il a amené ce changement dans l'art de peintre avec détermination mais sans l'idée de choquer. L'ouvrage de Jouffroy est sans doute désordonné, et pas toujours d'une précision sans défauts. Mais il se lit avec beaucoup d'intérêt et nous oblige à revoir du tout au tout la personnalité et le travail de ce peintre hors du commun. L'ouvra s'achève par une petite anthologie de textes sur David avec Baudelaire, Artaud, Breton, Giorgio De Chirico, etc. Conclusion : c'est une étude désordonnée mais intéressante à lire ou à relire quoi qu'il en coûte !




Rencontres et partis pris, écrits sur l'art 1976-2020, Marcel Cohen, L'Atelier contemporain, 350 p., 25 euro.

Marcel Cohen est bien connu comme écrivain. Mais il ne l'est guère comme critique d'art. Même si je savais quelque chose de lui dans cette sphère réservée, je dois avouer que je découvre ici dans ce livre copieux tout ce qu'il a pu écrire sur les artistes. Au préalable, Nathalie Jungerman demande à l'auteur d'expliquer sa conception de l'art. Il pense qu'elle ne peut être que contradictoire, car on se trouve silencieux devant un toile, sans voix et donc dans l'incapacité d'écrire. Et pourtant l'oeuvre provoque un désir de la traduire par les mots. Il fournit ensuite quelques clefs pour entrer en relation avec une oeuvre d'art, ne serait que le sujet qui l'a inspirée. Il développe ses idées sur l'art et la littérature qui sont souvent assez originales et assez loin de ce qu'on considère être la critique d'art. C'est une relation particulière et qui s'éloigne dans son cas des grands principes de la littérature. Nous apprenons aussi qu'Antonio Saura a été l'un des artistes de prédilection. Ce qui est le plus saisissant ici est qu'après deux ou trois petits essais, nous tombions sur une anthologie nourrie de citations de divers écrivains, de Stéphane Mallarmé à Ernst Jünger, de Francis Ponge à Jean Paulhan, de Franz Kafka au Talmud. Cela n'a d'ailleurs rien d'absurde no rien de véritablement déplacé, mais c'est là une curieuse manière de déclarer sa pensée à travers celle des autres.
Après un article sur la photographie, j'ai eu la surprise de découvrir un article sur Brion Gysin et son usage de la photographie, que j'avais publié en 1979 chez Christian Bourgois éditeur dans Le Colloque de Tanger II. (Dommage qu'on n'est pas cru bon de me citer comme auteur de cet ouvrage collectif). Ensuite, nous tombons sur un bon essai consacrés aux composition d'Antonio Saura qui avait paru dans le catalogue de la galerie Stadler en 1979 (il écrit par la suite bien d'autres essais sur l'artiste espagnol et cela aurait pu constituer un ouvrage en soi), deux petits textes bien vus sur Alexandre Delay, un court essai sur l'art japonais de cette période, et une sorte de lecture fantasque sous forme de fiction d'un ouvrage de grande taille de Gérald Thupinier. Dans ces pages, l'écrivain n'a pas pu céder à ses démons et le résultat est plutôt heureux. En ce qui concerne Richard Long, il a choisi de très brefs paragraphes, comme s'il avait additionné des notes et de quelques citations. Puis vient un article sur Arnulf Rainer. C'est alors que j'ai lu avec intérêt un essai d'une certaine portée : «  Brèves notes sur la modernité », qui est illustré par un dessin d'Alfred Kubin, La Guerre. Je ne vais pas citer tous les artistes dont il est question ici. Beaucoup sont peu connus (de moi en tout cas) et mériteraient sans doute d'être révélés. En fin de compte, qu'il veuille ou non Marcel Cohen a été critique d'art à ses heures perdues (pas si perdues que ça !), et souvent avec une belle réussite. Ce ne serait pas perdre son temps que de lire ces petits textes sur des artistes contemporains rédigés par quelqu'un qui sait manier la plume avec art (sans aucun jeu de mots).




Van Gogh, Buraglio, mon père et les autres, Arnaud Dupuy, L'Atelier contemporain, 104 p., 12 euro.

On ne saurait trop dans quelle catégorie ranger cet ouvrage. C'est à mi-chemin entre l'essai et la fiction, l'autobiographie et l'introspection. L'auteur, après avoir rapidement passer en revue l'état de l'art du temps présent, a voulu nous parler de la peinture telle qu'il l'entend, telle qu'il la ressent. Vincent Van Gogh est pour lui une sorte de parangon incompris et il s'est mis en devoir de corriger (à juste titre) un certain nombre d'idées reçues sur l'artiste hollandais. Il est vrai que des piles de livres inutiles et, en général, pas très bien étayés, ont été publiées sur cet artiste qui est devenu si populaire après sa mort. L'auteur disserte longuement sur sa manière de travailler, dont il parle en détail dans ses lettres à son frère, mais aussi sur ses rapports personnels (en particulier avec sa mère). Cette enquête très peu systématique est émaillée de réflexions sur l'art de peindre. Il y a beaucoup de choses traitées de manière judicieuse, mais on a du mal à suivre un fil d'Ariane dans ces pages conçues sans discipline (sans doute à dessein).
Par exemple, tout d'un coup, sans crier gare, l'auteur pense que la peinture a partie liée avec la peau. Puis, par extension, il parle des carnations du Caravage, ou encore de Pierre Paul Rubens) Puis il élargit le champ de sa réflexion, qu'il applique au paysage. Curieusement, un traité sur la peinture sous-tend les propos d'Armand Dupuy, qui finit toujours à en revenir à Van Gogh. Ce qui ressort de sa pensée, c'est que l'art pictural est une aventure complexe et pleine d'embûches, mais aussi quelque chose d'assez difficile à apprécier à sa juste mesure. J'aurais bien du mal à dire ce que j'ai ressenti en lisant du livre : de l'intérêt, c'est évident, mais aussi un peu d'agacement. Quoi qu'il en soit, ce qu'écrit cet auteur est loin 'être insignifiant. Peut-être n'a-t-il pas toujours trouvé la forme adéquate pour nous transmettre ce que la peinture lui inspire. On y voit néanmoins des instants très prenants et judicieux.




Vivonne, Jérôme Leroy, « Vermillon », La Table Ronde, 414 p., 22 euro.

Dans une partie liminaire, l'auteur nous campe un petit garçon, Titos, qui apprécie tant les plaisirs de la mer et les couleurs singulières du ciel. Mais le récit devient très vite phantasmatique ou onirique, et l'enfant est menacé et assiste à l'invasion des Autres. Les plus grandes beautés sont associés à des horreurs sans nom, et tout prend l'aspect d'un cauchemar. Dans le chapitre suivant, on se retrouve à Paris. On fait connaissance avec le directeur d'une prestigieuse maison d'édition nommée Les Grandes Largeurs, Alexandre Garnier. Paris et toute sa région a est frappé par une tempête encore jamais connue et l'eau envahit la rue de l'Odéon où il a ses bureaux. La situation est vraiment désastreuse. L'eau qui envahit les artères de la capitale cause des dégâts énormes et monte dans les étages. Cette catastrophe inouïe rappelle à l'éditeur la disparition de l'un de ses amis, Adrien Vivonne, qui a disparu en 2008 sans laisser la moindre trace. C'était un écrivain de grande valeur qui avait écrit Danser dans les ruines. Cet auteur était né en 1964 et avait vécu dans un petit bourg non loin de Rouen. Son père était un professeur communiste.
Le narrateur évoque ensuite des événements de guerre civile qui se déroulèrent au coeur de la Normandie. Il revient par la suite aux souvenirs qui s'attachent à l'écrivain. Il retrouve une chronique sur l'un de ses ouvrages, Les Filles de Vassivière, qui n'est pas sans rappeler ce qui se déroule dans le premier chapitre de ce roman. On comprend dès lors que ce livre est un étrange mélange de scènes familières et de moments terribles où la société se déchire, où la nature entre dans des colères infernales. En même temps, on découvre la littérature de Vivonne, qui a été un auteur prolixe et raffiné. En même temps, il rappelle les grandes étapes de son existence, sa rencontre avec Françoise et puis leur mariage. Et, dans son esprit, une réminiscence en appelle une autre - par exemple, celle de Béatrice Lespinasse. Elle a eu des liens intimes avec Vivonne. Leur relation est dépeinte en détail et elle touche des ressorts inattendus : elle déclare par exemple qu'il vivait dans ses rêves. Et les recherches de l'éditeur se poursuivent. Différents registres de la mémoire, de l'imaginaire, de la réalité supposée exister à l'époque où cet ouvrage est écrit ne cessent de se mêler, parfois de se confondre. On en revient à l'époque de la fin de la dernière guerre et des conflits violents dans les petites agglomérations de campagne.
Dans la seconde partie on voit le héros et son épouse, Sophie, fuir Paris dans une voiture de location. Ils ont le sentiment que le monde entier est pris de folie furieuse et que tout est devenu dangereux et instable. De temps à autre, la figure de Vivonne ressurgit et il revoit des instants qu'il a partagés en sa compagnie. Le livre se déroule de cette manière et, à la fin, avec des amies, il devrait partir retrouve Vivonne qu'on croit avoir retrouvé. Garnier rencontre Tissos Livaditis qui est son traducteur en grec. Il leur apprend que l'écrivain est parti il y a trois jours. Tout se termine, après des péripéties picaresques, par la rencontre d'un homme assis sur un muret qui prétend s'appeler Vivonne… Le roman de Jérôme Leroy laisse un sentiment double et contradictoire. D'un côté il est bien écrit et son récit, aussi chaotique soit-il, ne laisse pas le lecteur indifférent. D'autre part, les histoires qui s'enchevêtrent sont trop excessives et invraisemblables pour qu'on puisse y adhérer pleinement. Leroy a du talent, un brin de plume brillant et beaucoup d'imagination. Mais l'architecture de son livre peut nous sembler excessivement baroque et bizarre…
Gérard-Georges Lemaire
02-06-2021
 
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Verso n°136

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