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[verso-hebdo]
12-05-2022
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

from We to I, Terry Atkinson, Giorgio Verzotti, Prearo Editoire, 182 p., 50 euro.

Terry Atkinson est né en 1939 dans le Yorkshire. Il a été l'un des fondateurs en 1963 du groupe Fine-Artz et puis d'un autre groupe en 1968, qui n'a guère eu d'impact sur le public, mais qui a été important pour le monde de l'art : Art Language. C'était alors le comble de la vision conceptuelle de l'art puisque l'oeuvre avait complètement disparu. C'était le décret de mort de l'art au profit d'une relation strictement théorique. Il décide de quitter ce dernier cercle en 1974 pour se consacrer à son oeuvre, qui est loin d'être académique.
Mais il avait renoncé à cette radicalité qui ne prenait plus en compte que le discours pour une autre radicalité qui passait souvent par le collage incongru d'oeuvres du passé et d'images contemporaines. Mais il a souhaité avoir plus d'une corde à son arc et a fait des compositions qui utilisent les techniques les plus diverses et se réfèrent à des domaines très différents, Elles sont un peu énigmatiques car elles pastichent aussi bien des maîtres d'autrefois que des artistes contemporains. On ne sait trop comment les aborder car ce pourrait être un dénigrement systématique de l'art tout comme l'affirmation d'un autre type d'art quoi, parfois, pourrait être rapproché de la nouvelle figuration française. Son répertoire iconographique est immense. Il puise dans tous des domaines possibles et ne suit jamais une ligne de conduite stylistique. Il peut passer d'une abstraction rigoureuse à un enchevêtrement de figures et des plages de couleurs. Qui ne possède pas une connaissance précise de son parcours aurait bien du mal à attribuer tous ces ouvrages à un seul et même artiste. La discontinuité, les modifications profondes de la posture stylistique, les variations qui le font passer d'un genre d'art à un autre sans aucun rapport sont essentiels dans sa démarche : c'est sa marque de fabrique.
Il commente ses oeuvres en-dessous de leur titre et l'on se rend compte qu'il entend mettre en avant un message politique ou plus largement social sur l'état de notre malheureux univers. On ne saurait être séduit par ce que fait Terry Atkinson, car ce qu'il conçoit n'est pas fait pour plaire, mais plutôt pour placer le spectateur dans une situation inconfortable. Tout est sujet à caution et, surtout, est proprement inesthétique. Cela ne retire d'ailleurs rien à l'intérêt de ses menées, qui ont pour objet de critiquer notre société et aussi ses choix esthétiques. Cet ouvrage nous dévoile l'étrange personnalité de cet homme qui a poursuivi une expérience en dehors des sentiers battus de la fin du siècle dernier. Inclassable par définition, il n'en reste pas moins l'un des personnages les plus singuliers de cette période qui a vu surgir les mouvements les plus iconoclastes (BMPT, Supports/Surfaces, etc.) et des artistes qui ont reniés leur passé, et même leur présent. Terry Atkinson est sans nul doute un des figures qui laissera une empreinte même si son oeuvre ne saura pas reconnue comme étant parmi les plus essentielles. Aussi paradoxale que cela soit, ce seront des peintres, qui ont eux aussi adopté des formes incongrues, comme Miquel Barcelò, Anselm Kiefer ou Gérard Garouste qui vont incarner cette période inquiète, contradictoire et dérangeante. Mais Atkinson restera là, en embuscade !




Virus musicali e Fughe poetiche, 2020-2022, Fernanda Fedi, a cura di Mauro Carrera, Galleria Marco Fraccaro, Pavie, 56 p.

Fernanda Fedi est une artiste qui mériterait d'être bien mieux connue. Bien sûr, ce n'est pas une inconnue et, depuis sa première exposition personnelle en 1968, elle fait un chemin qui a pu être remarqué des véritables amateurs. Mais elle ne fait pas partie de ces personnages qui circulent d'un musée à l'autre dans l'hémisphère sud comme dans l'hémisphère nord. Ces travaux récents nous suffisent à comprendre non seulement l'originalité de sa pensée artistique, mais aussi son grand talent. Elle se présente d'ailleurs par une petite série d'oeuvre qui servent d'introduction à tout ce qui suit. Il s'agit de collages de partitions déchirées qui ont été collées les unes sur les autres selon un ordre décousu, mais qui néanmoins parviennent chaque fois à engendrer une sorte d'équilibre aléatoire.
Le mot-clef de ces compositions est : fugue. Elle va donc s'engager de longs mois dans l'idée de forger ses oeuvres comme autant de fugues. Sa passion pour la musique se traduit de manière tangible avec des notes, des lettres, des fragments de partitions, mais aussi une organisation de l'espace. Sans doute n'a-t-elle pas le même point de vue que Vassili Kandinsky, et elles ne s'engagent pas sur une voie qui dériverait de Paul Klee, mais elle a tenu à faire en sorte que ce matériau arraché à des morceaux de musique affectent non seulement une connotation précise à ces tableaux, mais attribuent au tout une valeur qui est le passage de la saisie par l'oeil de leur assemblage visuel minutieusement construit à une dimension acoustique, qui rappelle ce genre particulier si cher aux amateur de Jean-Sébastien Bach. La musique a aussi un rôle spécifique dans cette affaire : éviter que ces oeuvres si bien élaborées sur le plan de la forme ne deviennent des pièces formalistes. Ces éléments de fugues arrachés à leur ensemble engendrent une autre conception de la forme sans pourtant abolir la pureté des lignes mises en jeu.
On ne peut qu'être saisi et émerveillé par ces forces contrastées qui s'exercent dans ces espaces : la beauté de l'architecture que Fernanda Fedi soutire de sa grande expérience de l'abstraction est encore renforcée par la fantaisie quasiment baroque de ces collages qui constituent une rupture dans la charpente géométrique et chromatique. C'est une fantaisie, sans doute, mais aussi la manifestation d'une idée qu'elle s'est faite de l'art, qui réussit à allier ce qui peut paraître le plus contradictoire. Ces deux écritures opposées finissent par s'épouser dans des triangles ou des cercles, des losanges et des ovales. Elle a ainsi accentué la poésie de ses créations sans qu'une modalité endommage l'autre. Un véritable tour de force !
Cette exposition, telle que nous la rapporte le catalogue, est une merveille de transgression provoquées par deux manières de considérer la musique. Nous lui devons une grande admiration pour avoir su aller au bout de cet amour conjugué de deux arts.




Gino Gini, dalla parte della scrittura, 2005-2022, Mauro Carera, Galleria Marco Fraccaro, Pavie, 80 p.

Gino Gini a déjà un long parcours derrière lui. Mais il n'a pas perdu son âme de jeune homme. Ses créations sont d'une grande fraîcheur. Il s'est installé dans la grande famille de la poésie visuelle, où l'on a pu rencontrer de grands poètes tels que Bernard Heidsieck (qui fait aussi partie de la poésie sonore). Il a désiré classer ses oeuvres par grandes catégories comme, par exemple, les lettres : il utilise une majuscule, qu'il trace sur le papier, pour ensuite laisser libre cours à son imagination, l'entourant de toutes sortes de digressions graphiques, mais aussi cognitives. Le D nous ramène au beau temps du dadaïsme, et la F rappelle les débordements du groupe Fluxus. Ces lettres portent donc des messages en plus de leur réalité physique. Gino Gini ne nous raconte rien de précis, mais il nous renvoie à des moments précis de la culture moderne - celle qui nourrit ses pensées et ses tribulations artistiques. Il a une manière bien à lui de « fabriquer » ses lettrages et leurs cohortes de noms, mais on ne saurait parler de style - il opère avec son écriture bien typée et une liberté d'expression indispensable dans ce genre d'exercice.
Le Chromoalfabeto est une extrapolation de ce genre de travail mais en utilisant la couleur sans suivre de règles précises. Puis, viennent les écrivains et, à leur tour, ils engendrent des sarabandes de signes et de noms : Cocteau, Apollinaire, Pessoa, mais aussi des poètes contemporains. Les portraits de ces auteurs sont cernés par leurs écrits et mille autres choses qui les distinguent. Ce sont des compositions tout autre qu'anecdotiques. Elles révèlent le caractère d'un homme et l'esprit de son oeuvre. La section « Home Page » est plus textuelle que visuelle ; mais elle possède néanmoins de vieux clichés ou des reproductions de portraits (comme celui de Léonard de Vinci ou de Michel-Ange). La partie suivante est intitulée : « Pagine » (pages), réalisées entre 2010 et 2012. Le mot « Scrittura » (écriture) est l'épicentre de la mise en page où apparaît souvent le mot « Poesia » et une plume, qui peut avoir plusieurs significations.
Des stylographes bien dodus sont parfois associé à ces jeux de mots. Quant aux « Calendriers » (les plus récents), on y voit des assemblages avec des pinceaux, des plumes et même des paires de ciseaux. Les calendriers ont bien entendu tous été détournés, caviardés et maculés. Il conclue ce catalogue par la collection des nombreux livres d'artiste qu'il a réalisés jusqu'à ce jour et qui sont des oeuvres d''art en collaboration. Qui aura visité cette exposition et qui aura feuilleté ce catalogue se demandera pourquoi il n'a pas connu plus tôt les recherches plastiques de Gino Gini qui sont merveilleuses.




Proz'& Po¨m, Julien Blaine, Manifeste !, «Les lettres françaises », 196 p., 15 euro.

Voici une silhouette qui nous est bien familière ! Cette fois, c'est un florilège savoureux et copieux pour que le lecteur qui n'est pas averti puisque pénétrer dans le saint des saints : l'univers sacré et désacralisé à la fois de Julien Blaine, ce pirate redoutable des lettres qui n'hésite pas à se faufiler dans un moulin provençal, entre Don Quichotte et Alphonse Daudet, le financier de « La France juive » de Drumont. Mais Blaine c'est à la fois la voix de Dada à Zurich, celle des futuristes à Pétersbourg et celle des chat-huant et des mistigris au Jardin d'acclimatation à Paris. C'est un forban qui n'a pas peur de tailler en pièce notre belle littérature et de tailler à grands coups de ciseaux dans nos bons vieux Lagarde & Michard qui ont bercé notre adolescence scolaire.
La poésie est une sorte de jeu de massacre dans un luna-park culturel (ce qu'on qualifie de postmodernisme, sans plus savoir ce que cela peut signifier) qui dénonce ce que notre époque est en mesure de produire. Les textes de Julien Blaine constituent une sorte d'album zutique débridé, avec une grande part d'auto-ironie en plus de son humour et de son mauvais goût soigneusement ajusté. Se mélangent de véritables morceaux d'anthologie et de pesante parodie de l'art poétique des bas-fonds du langage. Blaine a une face de Janus ou, si l'on veut, une personnalité double, mi-ange, mi-démon, qui est venu saccager les Champs Elysées ou, pire encore, les merveilles divines du Paradis.
Cet être ambigu par définition a renoncé à ses dons qui aurait pu faire de lui l'un des grands poètes pour devenir le fléau de Dieu qui tourne en ridicule cet art. Cela est plus que manifeste dans un poème intitulé « Je parle dans le noir » : en dépit des coups sévères portés à ses grands prédécesseurs, d'Horace à D'Annunzio, de Virgile à Pessoa, il lui arrive de faire valoir ses capacités de grand maître des mots. Et là, tout bascule : le beau et le sublime du langage est empoisonné par des expressions balourdes et des jeux de mots digne des pires bouges. Et pourtant, dans ce chaos qui fait perdre toute raison et toute noblesse, le voilà qu'il reste en mesure de faire apparaître en palimpseste une pensée subtile et intense qui est celle justement de celui qui sait encore très bien ce que la poésie pourrait délivrer.
Blaine est un provocateur. Il va bien au-delà de Dada et de toutes les billevesées de quelque nature que ce soit que nous ressassent les auteurs d'une avant-garde d'ores et déjà périmée : ces poètes (à de rares exceptions près) qui ont cru à la poésie concrète, visuelle ou encore répétitive jusqu'à l'agonie des lecteurs ou des malheureux auditeurs. Voilà ce qu'il en est : il a franchi la ligne rouge et il se trouve de l'autre côté de cette frontière où il joue le tout pour le tout afin de savoir quelles sont ses propres limites - jusqu'où peut aller son défi prométhéen. Il joue gros. Il joue jusqu'au vertige. Jusque à ce point où nul ne saurait se rendre dans risquer d'être la proie du Sphinx impitoyable du jugement dernier de l'esthétique.




Comment je suis devenue duchesse Goldblatt, anonyme, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laura Derajinski, Quai Voltaire, 320 p., 22 euro.

Cette histoire pour le moins bizarre et rocambolesque commence par l'entrée en scène d'une femme mère d'un petit garçon de huit ans. Elle est dans le désarroi : elle va perdre son emploi dans une maison d'édition qui va être rachetée. Elle rencontre un homme dans les locaux abandonnés d'une société. Celui-ci lui donne le conseil de prendre un nom nouveau, et ce sera Duchess Goldblatt (dérivé de son premier chien). Elle voulut alors donner une apparence physique et un âge à cette duchesse. Elle finit par trouver un portrait du XVIIe siècle représentant une dame au sourire très doux et le cou orné d'une fraise immaculée. Ensuite, un destin lui a été attribué, pas vraiment des plus heureux. Elle lui donne donc un âge : quatre-vint-un-an. Et puis elle lui insuffle une existence extravagante.
D'une certaine manière, notre narratrice se dédouble et devient une curieuse extrapolation de son personnage d'invention. Comme si auteur ne faisait quasiment plus qu'un avec son héros de papier. Nous retrouvons notre affabulatrice en plein travail. Son existence est marquée par ce curieux jumelage avec une dame vaniteuse, coquette, qui aime la compagnie et qui tient la dragée haute à tous. Moderne, elle communique par le biais des réseaux sociaux. Un abonné à ses posts se distinguent : Lyle Lovett. Ils ont des conversations poussées sur la musique. Son interlocuteur, qui est une' personnalité très connue, l'invite à une soirée à l'opéra. Elle finit par accepter. Les deux biographies finissent par s'enchaîner et à se confondre - la narratrice avec les problèmes épineux qu'elle a eu avec son père et Duchess, qui a l'idée de rassembler tous ses admirateurs un jour dit au musée devant son portrait car elle se prend pour une étoile au firmament.
Duchesss se fait un grand nombre d'amis de qualité et notre conteuse finit par obtenir son diplôme universitaire. Leurs histoires se poursuivent indissolublement liées. Duchess a donné naissance à la petite éditrice devenue l'auteur inspiré d'un livre qui a trouvé son éditeur. Ce roman est fantasque et assez curieux, il faut le reconnaître. Mais il a son charme car il met bien en scène l'imaginaire qui peut naître des modes de communication que nous offre notre époque. Mais reste cette question lancinante : qui diable est cet écrivain ?
Gérard-Georges Lemaire
12-05-2022
 
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Verso n°136

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du 6 au 28 Octobre 2012
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Christophe Cartier / Gisèle Didi
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Préface de Jean-Pierre Maurel


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"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
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