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[verso-hebdo]
26-05-2022
La chronique
de Pierre Corcos
Lumière du photojournalisme
« Some things simply need to be seen » (« certaines choses ont simplement besoin d'être vues ») : la devise de Stanley Greene, l'un des éminents fondateurs de l'agence photographique NOOR, rappelle que si toute prise de conscience ne nécessite pas, pour advenir, la confrontation avec une photographie, cette dernière peut être suffisante pour précipiter d'un coup ce qu'informations, rappels et chiffres ne laissaient qu'en suspension... L'exposition Ce monde qui nous regarde : 15 ans de l'agence NOOR (jusqu'au 5 juin à la Galerie des donateurs à la BNF) donne l'occasion de découvrir le travail des quatorze photographes (autant de femmes que d'hommes) de onze nationalités différentes qui composent cette agence, dont le nom signifie « lumière » en arabe. Chacun(e) de ces photographes a offert une soixantaine de tirages au département des Estampes et de la photographie de la BNF. En appréciant ce travail photojournalistique, on pense au festival Visa pour l'image à Perpignan (cf. Verso Hebdo du 30-9-21) où d'ailleurs, à l'initiative de Stanley Greene et Kadir van Lohuizen, l'agence NOOR a été officiellement lancée en 2007.

Le premier élément significatif et important qui émerge de l'exposition est, par rapport à maintes dimensions dramatiques traversant notre époque, un engagement à moyen ou long terme de ces photoreporters. Il ne s'agit donc pas d'une chasse superficielle et tous azimuts à l'image sensationnelle. D'autant plus qu'un amateur sur place au moment opportun peut en produire. Comme le déclare fortement Stanley Greene, «les journalistes apparaissent aujourd'hui comme des « touristes du désastre », bondissant de-ci de-là pour observer les points chauds de la planète. Telle n'a jamais été mon idée du métier : je crois que le travail du photoreporter doit se concevoir à une échelle plus vaste, revenant encore et encore sur les lieux afin de porter un témoignage dans la durée... ». Prenons l'exemple de Nina Berman : membre de NOOR depuis 2009 et âgée de 62 ans, son engagement pacifiste invétéré l'a fait interviewer et photographier des soldats blessés lors de la guerre d'Irak, et montrer l'ampleur des traumas chez ces vétérans, souvent laissés pour compte ; puis dans sa série « Homeland » témoigner de la militarisation américaine après le 11 septembre ; enfin révéler la fascisation martiale des fanatiques partisans de Donald Trump. Dans une photographie en couleurs présentée, « Le Mariage du Marine - Illinois », on voit un officier en bel uniforme médaillé à côté de son épouse tenant un bouquet rouge à la main et en robe de mariée. Mais le visage de l'homme est affreusement défiguré (on imagine par de graves brûlures), on distingue à peine son nez, son oreille, et sa jeune épouse l'air affligé regarde au loin... Le travail de Pep Bonet, l'un des membres fondateurs de NOOR et né en Espagne en 1974 se concentre sur le continent africain. L'un de ses reportages au long cours, « Faith in Chaos », est un essai photographique sur les conséquences des 10 ans de guerre en Sierra Leone. Noir et blanc, vigoureux contrastes, décentrement de la photographie, comme pour le « Portrait d'un détenu au centre de désintoxication de City of Rest », montrant le visage, soutenu par le bras et la main droites, d'un Africain derrière des barreaux ; lesquels se croisent devant son oeil, ainsi oblitéré. Mais l'expression du visage reste assez forte pour qu'on y sente colère et résignation à la fois. D'autres photos montrent des prisonniers dans de sordides cachots, enchaînés comme des bêtes... À partir de 2003 l'américaine Andrea Bruce, 49 ans, a documenté le quotidien des peuples irakien et afghan ainsi que celui des soldats américains en zone de conflit. Elle cherche à redonner un visage attachant, une individualité à celles et ceux qui sont pulvérisés dans l'anonymat des images de guerre. Ainsi « La veuve Um Hussein, drapée dans un voile de deuil » est un morceau de visage pathétique à peine éclairé qui, dans un noir profond, surnage derrière une trame serrée... Couvert de prix, comme d'ailleurs les autres membres de NOOR, l'américain Stanley Greene, mort en 2017 à 68 ans, est souvent connu pour sa couverture de l'impitoyable guerre en Tchétchénie. Les photos qui représentent son travail de photoreporter sont toutes admirables, l'une d'entre elles a d'ailleurs été choisie pour illustrer le prospectus de l'exposition. Celle que nous retiendrons ne concerne pas la Tchétchénie, mais le conflit en Azerbaïdjan. Intitulée « Cimetière arménien de Darnagoul à Bakou », elle montre le portrait photographique d'un homme imprimé sur une stèle. Choc visuel : à la place de son oeil droit, un trou énorme, trace d'une balle ou d'une déflagration. Une note rappelle que les pierres tombales arméniennes ont été fracassées, et que la plupart des monuments arméniens ont été détruits par le régime azéri...

Si l'on peut regretter que le travail de quatorze photographes aussi talentueux soit représenté seulement par trois à huit photos dans cette exposition, on ne peut qu'apprécier la précision et l'abondance des commentaires prévues par Héloïse Conésa, qui en a scrupuleusement assuré le commissariat. Ces commentaires sont d'autant plus justifiés ici que de tels reportages photographiques - au long cours nous l'avons vu - appellent une contextualisation. Et que la « lumière » de NOOR doit dissiper les obscures équivoques.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
26-05-2022
 
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Verso n°136

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