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[verso-hebdo]
09-02-2023
La chronique
de Pierre Corcos
À hauteur d'homme
Professeur Yamamoto part à la retraite, le documentaire de Kazuhiro Soda, installe le spectateur au plus près des êtres, de leurs échanges, de leur intimité. Jusqu'à prendre même le risque d'ennuyer à certains moments ceux pour qui le plan doit ouvrir l'espace, et le cinéma échapper à l'ordinaire. Mais, refusant la musique d'accompagnement et les commentaires en off, laissant la caméra tourner à hauteur d'homme, sans l'a priori d'un thème séquentiel, le documentariste japonais parvient à s'approcher d'une vérité humaine d'autant plus troublante qu'il l'amplifie de gros plans sur les visages. « C'est le miracle de la présence réelle, la vie manifeste, ouverte comme une belle grenade pelée de son écorce », écrivait, à propos du gros plan, Jean Epstein théoricien du cinéma... Ce type de filmage est ici adéquat au sujet du film : l'émouvant départ à la retraite, à 82 ans, du professeur Yamamoto, un éminent psychiatre japonais, totalement dévoué à ses patients. Présence attentive, souriante du thérapeute, et un peu inquiète de ses malades. Le film (2h 8m) nous montre, dans sa première partie, les derniers entretiens avec des patients que ce départ a déboussolés, puis dans sa deuxième partie la chaleureuse intimité du professeur avec son épouse Yoshiko, toute frêle, menue et atteinte d'Alzheimer. La proximité spatiale, affective (même empreinte de bienveillance et d'humour bouddhiste) de Yamamoto avec celles et ceux qu'il soignait n'a rien à voir avec la plupart de nos protocoles thérapeutiques... Un documentariste pourrait-il d'ailleurs s'installer avec sa caméra dans le cabinet feutré d'un psychothérapeute européen ? Pas d'écran chez Yamamoto, mais juste des notes prises au coin du bureau. Et des mots simples, quelques rires complices et d'affectueux toussotements. Les malades, débordants de reconnaissance lui apportent parfois des plats mitonnés ou lui demandent un dernier conseil de vie que, tel un koan, ils emporteront avec eux pour le méditer. Kazuhiro Soda laisse le micro accroché à la veste du vieux psychiatre : on entend son souffle fatigué, ses bruits de gorge. Il laisse aussi une femme bavarder, raconter ses souvenirs par le détail, ou encore des lycéens qui le surprennent avec sa caméra le charrier. Il intervient peu, même si l'on perçoit son aimable et discrète présence... Il filme parfois des objets-symboles ou un vieux chat qui boîte, en marge de ce portrait élogieux d'un psychiatre (et d'un sage) pour qui vocation et vie ont pleinement coïncidé. Mais avoir réussi à capter ces fragiles moments où, furtives, la tendresse et une réelle présence à l'autre affleurent, voilà ce qui reste sans aucun doute l'éclatante réussite de ce documentaire.

Il mérite pleinement son Ours d'or 2022 au Festival de Berlin Nos soleils, le deuxième long-métrage de la réalisatrice et scénariste espagnole Carla Simon ! Une image de famille catalane à hauteur d'homme si captivante et si attachante qu'à la fin de ce film, proche du documentaire (la réalisatrice se sert de son vécu), on est persuadé que l'été prochain on va revoir les Solé, métayers, cultivateurs de pêches, et joyeusement trinquer avec eux... Sauf que le propriétaire ayant prévu d'arracher tous les arbres pour les remplacer par des panneaux de cellules photovoltaïques, plus rentables, ils sont obligés de déguerpir, les Solé ! Donc dernier été ici et ultime récolte : nos soleils à nous - ces pêches éclatantes et tout ce qui rayonne dans nos coeurs - vont ainsi être définitivement remplacés par de noirs capteurs d'énergie, tournés vers un seul écrasant soleil... La menace d'expulsion - cette épée de Damoclès en suspension du début film jusqu'à sa fin - reste ici le contrepoint désespéré d'une vibrante et lumineuse partition. Et, parce que dans ce petit chef-d'oeuvre ils sont toujours pleins de ce qu'ils font, tous les personnages irradient d'une vérité et d'une vitalité enthousiasmantes. Très réalistes du grand-père aux enfants, les acteurs, non professionnels, jouent quasiment leur propre rôle dans la vie et parlent bien sûr en dialecte catalan. Un casting exigeant (9000 personnes furent au préalable rencontrées, filmées), un recours confiant à l'expérience des acteurs, enfin une minutieuse documentation ont permis à la réalisatrice et à son coscénariste, Arno Vilaro, de doper cette fiction, à peine militante, avec les vitamines de l'authenticité. Chez les Solé comme partout, les enfants s'amusent, les adolescents s'échappent, les adultes palabrent et les vieux méditent. Grandes tablées jacassantes, cueillettes au soleil, confidences inattendues et pleurs soudains : à la différence du film plus haut, les scènes criantes de vérité furent d'abord pensées par la réalisatrice. Mais, à sa ressemblance, le filmage privilégie tous ces moments d'émotion vraie cloquant la fluide et hâtive surface du quotidien. Et le film Nos étés de Carla Simon n'a besoin d'aucune emphase, d'aucun effet spécial, d'aucun dogme esthétique pour s'imposer aux spectateurs. Il rappelle, exalte les vertus cinématographiques de la bonne, juste distance, et de cette sensitivité féminine, à fleur de peau, de regard... Ces vertus, un cinéma spectaculaire, thaumaturgique, à grands effets et gros moyens, risque de les faire méconnaitre, surtout auprès de jeunes générations. Le septième art, déjà en crise, en sortirait bien amoindri.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
09-02-2023
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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