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[verso-hebdo]
30-03-2023
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La chronique de Pierre Corcos |
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Reliefs |
Généralement, le concept de « relief » en Esthétique nous renvoie à la sculpture. Et nous pouvons ainsi décliner les termes de « bas-relief », « demi-relief », « haut-relief ». Pourtant l'on conçoit aisément que, pris dans un sens figuré, le mot puisse s'appliquer à d'autres arts. En littérature, un auteur met en relief tel aspect du monde, en peinture le trompe-l'oeil crée une saisissante impression de relief... Et en photographie ? Braquer son objectif sur des objets aux saillies, proéminences ou rugosités intéressantes, ou bien alors jouer sur la profondeur de champ avec un premier plan très net et un arrière plan flou : tout cela n'épuise pas la problématique du relief en photographie. Faire ressortir l'objet, le rendre manifeste peut aussi constituer une démarche de mise en relief. Tout comme un jeu sur l'expressivité des sujets et thèmes choisis au premier plan de la photo.
Jusqu'au 29 avril à la Fondation Pernod Ricard à Paris, l'exposition Der Sonnenstich de Katinka Bock (née en 1976) aligne soixante-cinq photographies prises entre 2015 et aujourd'hui, en majeure partie des tirages en noir et blanc mais aussi quelques tirages en couleurs qui n'avaient pas été jusqu'à ce jour exposés pour la plupart. Au tout début de sa présentation, Christophe Gallois, commissaire de l'exposition, écrit : « Ancrée dans le champ de la sculpture, l'oeuvre de Katinka Bock est toujours restée perméable à la production d'images, filmiques et surtout photographiques. La photographie constitue ce qu'elle nomme la « périphérie » de son travail ». Alors comment peut se manifester, photographiquement, un regard « sculptural » sur les objets ? Pour répondre, on n'en restera pas seulement à ces photographies où d'emblée le relief grumeleux de citrons exhibés par deux mains (Two different ways of doing two different things 2018), l'écorce épineuse d'un arbre (Resistenza al tramonto 2018), la surface striée de chevilles et mollets (For your eyes only 2016), la texture et le volume d'une chevelure (La manufacture 2018) ou encore un dos humain bosselé par les omoplates qui ressortent (Trinity 2017) témoignent à l'évidence de l'intérêt immédiat de la plasticienne à saisir photographiquement ces reliefs variés. L'inattendu d'une sauterelle sur une épaule lisse (One of 100 words 2019) ou d'un petit crabe sombre au fond d'une tasse claire (Conversation suspended, Glasgow 2018) crée non seulement un contraste rendant plus manifestes les deux objets, mais encore pointe un micro-événement au relief de « haïku ». Nous trouvons également des photographies où un personnage place devant son oeil et/ou son oreille des petits objets archéologiques présentant une homologie formelle (Some and any fleeting 7 2022), ce qui met en relief une dimension historique et au second plan un visage humain. Par ailleurs, en décentrant certains objets (souvent retenus pour leurs qualités tactiles) dans maintes photographie, Katinka Bock favorise leur surgissement, leur relief. Voilà donc un intéressant regard « sculptural » sur les objets permettant une démarche photographique singulière, dont l'intérêt, reconnaissons-le, n'émerge que peu à peu de l'exposition.
Dans le Verso Hebdo du 8-10-2020, il avait déjà été question du percutant « street photographer » américain Bruce Gilden (né en 1946), de son expressionnisme, de ce rapport direct, intrusif et en premier plan, aux visages (aux « gueules » devrait-on mieux dire...) et à la gestuelle de celles et ceux pour qui la rue est restée - qu'ils en soient ou non conscients - ce théâtre en plein air où se jouent drames et tragi-comédies. Le relief photographique naissait de tout ce qui crevait l'imagerie plate, banale et distanciée d'une bonne part de la « street photography ». Or, voici que jusqu'au 6 mai, la Polka galerie nous offre une nouvelle exposition, intitulée The Circuit, de photographies en couleurs réalisées par ce membre talentueux, mais controversé, de l'agence Magnum... Confiné dans l'État de New York au printemps 2020 à cause de la pandémie, isolé de son écosystème urbain, le « street photographer » rongeait son frein... La mort de Georges Floyd à la fin du mois de mai déclencha, on s'en souvient, des manifestations massives de foules en colère, majoritairement des Afro-américains. Bruce et Sophie Gilden, son épouse, se retrouvèrent à cette occasion au coeur d'une foule bigarrée de motards, spontanément rassemblés pour une « ride out prayer » en hommage à George Floyd. Ces motards, en majorité noirs, font partie d'une communauté peu connue appelée The Circuit (le titre de l'exposition), qui entre tout à fait dans le registre cher à Bruce Gilden des marginaux. Suivant partout ces impressionnants « bikers » et s'intégrant même à leur communauté, le photographe américain, toujours muni de son boîtier et de son flash, réalisa une rutilante série de portraits serrés, dont la saillie expressive cogne le visiteur... Les seins énormes de cette grosse femme noire aux cheveux rouges débordent de son corsage en cuir. Sur une autre photo, deux visages d'hommes effrayants de vérité brutalement s'imposent à notre perception. Dans des clichés plus loin, les membres de la communauté fument, boivent, s'excitent. Et le flash donne tout son relief au premier plan.
Il s'agit toujours de faire jaillir, et sans ménagements, la figure de l'immense zone plane. Celle qui éteint notre regard...
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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