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[verso-hebdo]
11-04-2024
La chronique
de Pierre Corcos
Un festival de référence
Ah, du 22 au 31 mars il aura bien traqué le RÉEL - dont les lettres majuscules séparées en un carré suggèrent analyse et agrandissement -, ce 46ème festival du film documentaire de Paris, « Cinéma du Réel » ! Il est devenu, par l'exigence de ses choix, le sérieux de son organisation, le nombre et la variété des échanges qu'il rend possibles, un festival de référence dans ce domaine. Cette année la présentation largement commentée, sous la forme de rétrospectives conséquentes, du travail de trois cinéastes documentaristes aux démarches très différentes - James Benning, Jean-Charles Hue et Claudia von Alemann - permet aussi bien de réfléchir à ce que nous entendons par cette notion de « réel » que de mieux comprendre de quelle façon un enregistrement concret et ses modalités spécifiques, son type de mise en scène s'instaurent toujours au service d'une appréhension déterminée du réel.
L'américain James Benning (né en 1942) propose une expérience du réel fascinante... Filmant tels quels, sans cadrages ni mouvements de caméra esthétisants, des espaces américains dénués de signification pregnante (paysages quelconques, routes banales, lieux désaffectés, bâtiments ordinaires, etc), s'imposant des régles spatiotemporelles qui contribuent à éliminer l'expression subjective, faisant en sorte que le sens, l'histoire et les commentaires s'effacent, il entraîne le spectateur dans une méditation sensitive (concernant son oeuvre abondante il propose ceci : « Relaxez-vous et appréciez ») qui prolonge l'intitulé de son cours à l'Institut des arts de Californie (« looking and listening »). Dans la durée, ce réel brut favorise chez le spectateur une attention accrue aux infimes variations sonores et/ou visuelles dans ce qu'enregistre la caméra. Cette rétrospective James Benning donne sa juste place à une démarche artistique cohérente et radicale de plus de cinquante ans...
Là où Benning, ancien professeur de mathématiques, nous livrait une expérience rigoureuse, frontale, distanciée d'un réel d'où les humains sont le plus souvent absents, le français Jean-Charles Hue (né en 1968) nous invite à une expérience intuitive, mobile, immersive de la réalité humaine, qui n'est pas sans évoquer formellement le cinéma de John Cassavetes. Mais ce sont les marginaux qui passionnent ce documentariste. Les Yéniches installés à Pontoise ou les exclus de Tijuana, pris dans la drogue, la violence, la prostitution. Sans préambule, nous entrons pleinement dans la vie de Mario, consacrant sa vie au dressage des chiens pittbulls pour de terribles combats, ou de Fred qui gagne sa vie en volant des voitures, ou de Topo et Wera qui survivent à Tijuana grâce aux larcins et à la débrouille... Les gros plans, l'extrême mobilité de la caméra, l'étonnante variété des angles de filmage, le plongeon dans un réel souvent tenu à distance confèrent au cinéma documentaire de Jean-Charles Hue une incontestable valeur esthétique et même éthique (Prix Jean Vigo en 2014).
C'est un réel social décapé par la critique et la dialectique marxisantes auquel l'allemande Claudia von Alemann (née en 1943) nous confronte. Méthodique dans son féminisme radical empreint de « sororité », elle (dé)montre par des interviews serrées et un filmage cohérent aussi bien le rôle des femmes pendant la guerre du Vietnam (1971) que leur exploitation économique (et domestique au foyer) dans les usines métallurgiques allemandes (1972), que la vérité peu à peu reconstruite d'une figure socialiste et féministe, Flora Tristan, ou que le rôle de quatre figures pionnières du mouvement des femmes dans l'Allemagne du 19ème siècle... Par sa démarche de documentariste, elle s'entend à faire émerger le collectif du témoignage individuel aussi remarquablement que la dimension politique de l'intime. Si elle sait très bien se débarrasser des formes conventionnelles du cinéma pour mieux accéder à ce réel social, jamais elle ne cède à un quelconque formalisme d'embellissement.

À cette poursuite du réel par différentes voies répond un questionnement sur le cinéma documentaire que la programmation de plus de 120 films français et internationaux, dont 40 en compétition (cette année, le film Direct Action de Guillaume Cailleau et Ben Russell, qui suit une communauté de militants écologistes en France, a remporté le Grand Prix Cinéma du Réel), permet d'étoffer. Tout comme d'ailleurs la table ronde (« Quelles médiations pour dire le politique ? »), la masterclass (Jean-Charles Hue), le débat (« Filmer contre, tout contre ? »), la rencontre (« Que peut le cinéma au 21ème siècle ? ») ou simplement les débats avec les réalisateurs après la projection des films et les multiples rencontres informelles... Ce festival, sous la direction de Catharine Bizern, vient combler des lacunes que les reportages habituels à la télévision ne traitent guère, comme par exemple la persistance coloniale (Dahomey, le film de Mati Diop, a ouvert le festival) ou les luttes sociales (classées dans la catégorie « Front(s) populaire(s) ») ou encore le néoféminisme. On peut toutefois regretter qu'il n'y ait pas eu plus de documentaires consacrés au dérèglement climatique, au néolibéralisme et ses effets sur le travail, ou à des sujets insolites mais révélateurs de notre époque.
Mais, si le réel est ce point de fuite qui, échappant à la symbolisation et à l'imaginaire, suscite un trouble spécifique, cet impondérable qui fait effraction dans notre monde intérieur, alors ce « Cinéma du Réel 2024 » nous a ménagé assez de surprises et mises en question pour durablement entretenir la passion documentaire.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
11-04-2024
 
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Verso n°136

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