avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 44
N°Verso : 66
Dossier Benjamin Lévesque
Titre : La théophanie
Un homme et une femme regardent un tableau de Benjamin
Auteur(s) : par Max Guedj
Date : 11/01/2013



La théophanie
Un homme et une femme regardent un tableau de Benjamin
par Max Guedj

Au début était le ciel. Ciel noir gros d’un dieu ; puis le temps de sa venue promise remontant à l’envers, le soir, un soir de mille et une merveilles. Coups de lumière rouge par-dessus un fond où l’encre amassait ses volutes. L’océan. Tout le cache, rien ne le révèle, mais il est au décours des côtes. Sauf aux amants. Soir de leurs noces avec la terre et les étoiles que cache le voile peint de la vie à l’Origine. Elles sont là pourtant, périhéliques petites masses mercurielles dans le rouge qui se marie et se démarie, et ruisselle d’encres encore. Leur pensée que fait-elle, leur mémoire que dit-elle. Mais ils ne tètent à ces mamelles. Elle tête son sexe, il tête son sein. Le soir tombe. Le dieu Fifre tarde. Leur être étiré d’amour devient un écran où se peint l’être. Alors se glace la baie sur le grave océan, sur le ciel écarlate de paroxysmes. Or le paroxysme s’attarda aux fenêtres à toutes leurs baies, et l’encre éleva son niveau. Comme tournent les pages, d’écarlate à cramoisi s’exalte la création. Sa loi est amour. Elle dit quelque chose au sang, au cœur et aux autres viscères, pensée, mémoire s’endormant comme encre au fond d’un calice. Ayant cessé ses gestes conjugués de fileuses quand le dieu règne sur l’homme et la femme sa compagne, tel Firmament derrière les baies.

Quand enfin firmament se fracture, l’encre s’y coula comme veines. Le marbre lui aussi vit, à tort vous le croyez froid. Les héros de ce soir ont leur corps reporté au pochoir sur la baie. Elle tête son sexe, il tête le sien, quelque chose en eux - en dehors d’eux – explique la suffisance d’Eden, annonce la marée de déluge. Vagues vues du haut du ciel, leur corps s’enroulent et se désenroulent, s’enroulent et se désenroulent, s’enroulant à cette molle vitesse, comme vue d’un autre monde, rythmés par un air annonciateur de fifre couvrant les braiements de l’Onagre, l’éternel compagnon

Puis bleu sur rouge, et l’encre montant, ce fut la commotion, et le changement (même si la théophanie annoncée tarde encore) ; l’heure, l’heure où tout s’embua de nuit. Et c’est Lui désormais à l’envers des baies. Ils fermèrent les yeux.

Quand ils les rouvrirent : o vision.

Car la nuit toute craque et toute crépite silencieusement et flambe, chaque étoile est le bout phosphoré d’une allumette qui explose et brûle. Quand s’éternisa l’incandescence ce fut elle dorénavant la nuit que traverse à grands enjambées toute une armée de fifres.

Son ciel est chaud

Que croyez-vous de la nuit brune ?

Alors advint enfin le dieu fifre. D’abord renversés Il fut dans leur âme avant leurs yeux et ne surent quand Il avait commencé à être-là, ils s’Y précipitèrent à la vitesse du regard

15 Novembre 2012

 




 
 
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