Lucie Geffré est exposée galerie Lou Carter jusqu'au 25 mars (16 rue des Saints Pères 75007). Le visiteur est tout de suite attiré par le regard mélancolique d'une petite fille allongée dans un flot de peinture aux dominantes vert clair, bleu et gris. Le titre de ce tableau d'assez grandes dimensions (1 m par 1 m 46), Céladon 2021, indique l'intérêt de l'artiste pour la couleur, mais pas seulement. De cette oeuvre se dégage une certitude : elle est vraie par rapport à elle-même. Vraie parce qu'achevée, parce qu'il est impossible de lui associer l'idée de repentir. L'impression que l'artiste n'a pas eu à se reprendre s'empare du spectateur. Tout se passe comme si elle avait ignoré toute tentation de rature. Bref : l'oeuvre s'impose à nous après s'être imposée à elle. Peu importe que, dans les faits, l'artiste ait beaucoup travaillé. C'est par le travail que la plupart des peintres obtiennent des résultats qui ne sentent pas la sueur. En peinture, vérité ne fait jamais bon ménage avec bâclé.
Un tableau de Lucie Geffré répond par lui-même, et par avance semble-t il, à tous les pourquoi, étant entendu que la réponse ne saurait appartenir à l'ordre de l'entendement ; c'est dans le sensible qu'il nous plonge, c'est à un acquiescement du corps qu'il invite comme chez Matisse, conditions que nous pouvons nous laisser saisir par notre première impression d'aisance et de sûreté. L'objet-tableau est vrai parce qu'il sonne juste et que, ce faisant, il rend agréable notre perception. Les transparences de Spirare (acrylique, pastel sur toile, 2020) s'ordonnent sous nos yeux en toute rigueur, mais une rigueur qui ne doit rien à la logique. La peinture semble littéralement avoir germé ici, comme aurait dit Klee, pour nous révéler ce chien blanc triste. Mais nous attendons aussi que la rigueur du sensible, ici, témoigne d'une autre rigueur pour que ces formes ne soient pas seulement aisées, sûres et justes. Les tableaux de Lucie Geffré sont en effet l'enjeu d'une autre vérité : celle qu'ils ont par rapport à l'artiste. Lucie Geffré pratique le portrait et peut-être bien l'autoportrait. Depuis Longtemps (acrylique et huile sur toile, 146 x 97 cm, 2010) jusqu'à Embrasure, 2022, nous reconnaissons, sinon la même personne, du moins le même style. La peinture de Lucie Geffré n'est pas là pour ne rien dire, bien sûr en ne cherchant pas à démontrer, ni à reproduire le réel, mais simplement pour témoigner de l'identité entre sa peinture et elle-même.
La dynamique Lou Carter a créé sa galerie pour montrer des jeunes peintres. Elle les défend en précisant dans le petit catalogue offert à Lucie Geffré les prix des tableaux qui sont particulièrement bas. Bien entendu, les collectionneurs fortunés ont le droit d'acheter, mais ces tableaux savoureux sont d'abord destinés à ceux qui aiment simplement la peinture.
gallery@loucartergallery.com
|