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[verso-hebdo]
29-10-2020
La chronique
de Pierre Corcos
Théâtre politique
Que l'on garde en mémoire les rageuses apostrophes d'Heldenplatz, la pièce qui fut son testament dramatique, ou certaines fortes déclarations de son autobiographie, ou enfin ses derniers textes romanesques, il est clair que Thomas Bernhard peut être considéré comme un auteur profondément politique. Et pas uniquement en ce qu'il exhume le racisme, le fascisme, le nazisme, l'antisémitisme souterrains ou larvés en Allemagne et surtout en Autriche, mais aussi en ce qu'il parvient à « faire parler ce qui justement voudrait rester muet », selon une formule de Nietzsche... Majorités silencieuses, hypocrites et complices, ou duplicité de pouvoirs aux « mains sales ». Sa pièce Avant la retraite (au théâtre de la Porte Saint-Martin, reprise probable après la période de couvre-feu) ne raconte pas seulement l'histoire de Rudolf, cet ancien officier nazi reconverti en honorable président de tribunal, et qui célèbre, comme chaque année avec ses deux soeurs, le jour de la naissance de Himmler auquel il voue un culte. Elle nous montre également toutes ces haines qui puent, à force de rancir et pourrir dans leur monde clos, pervers, incestueux... La robe de juge, l'uniforme nazi, éventuellement la veste de déporté ( !), et voilà qu'on rejoue perpétuellement la même pièce : nazis d'hier, néo-nazis d'aujourd'hui. Suprémacistes de demain ! Cette compulsion de répétition est tragique, évidemment. Mais un comique de répétition peut aussi en émaner, d'autant plus que Thomas Bernhard pratique magistralement, on le sait, l'art du rabâchage. Une dimension musicale sous-jacente (rengaine, ritournelle) doit aussi s'entendre. Et il faut tout le talent d'André Marcon (Rudolf), de Catherine Hiégel (Vera) pour faire passer l'odieux de ces ressassements haineux, de cet « enfer du même », autant que le dérisoire grotesque de ce radotage. Quant à la malheureuse Clara (Noémie Lvovsky), soeur handicapée, prisonnière de ces deux monstres, elle n'a que ses mimiques atterrées et silencieuses, la plupart du temps, ou alors la lecture pour résister mentalement à ces rituels morbides. La mise en scène d'Alain Françon, d'un réalisme épuré, ne prétend pas à une lecture nouvelle d'Avant la retraite. Elle laisse ouvertes, en tous cas, de nombreuses virtualités théâtrales à partir des pires passions politiques...

Le vibrant théâtre politique, tel que Judith Bernard l'écrit et le met en scène, est trop rare aujourd'hui. Il en est d'autant plus précieux... Il tient, certes, du théâtre documentaire, mais il parvient à conserver sa dimension ludique, son alacrité. Il est artisanal, mais il ne cède en rien sur l'art complexe d'un récit en miroir. Il revient sur des expériences alternatives concrètes, mais sait leur rendre leur profondeur de sens, et les inscrire dans la généralité d'un processus. Lequel ? Celui du « saccage », par l'État converti au néolibéralisme, de ces fragiles enclaves (Fac de Vincennes ou ZAD de Notre-Dame-des-Landes, etc) où de nouvelles pratique sociales s'expérimentèrent : « car le saccage est l'horizon permanent des formes de vie alternatives », écrit Judith Bernard dans ses notes d'intention. Saccage est d'ailleurs le titre de ce passionnant spectacle qui se joue (les dimanches à 12h15 jusqu'au 29 novembre) à la Manufacture des Abbesses. S'y joue une dimension temporelle : un présent qui, dans un spontanéisme expérimental, invente son futur. Et une dimension territoriale : ces « espaces lisses », aurait écrit Deleuze, où, aussi bien pour le Rojava, Vincennes, la ZAD, la clinique de Laborde, il n'existe pas trop de « stries » pour prédéterminer les actes... Ici un simple rétroprojecteur indique le lieu et la date de la situation mise en scène. Saccage passe d'une expérience alternative à l'autre avec brio. Avec brio et légèreté. Et ce ne sont pas des qualités mineures dans le théâtre politique, enclin par didactisme à devenir plombant. Ce passage où un comédien par exemple, en une pirouette, devient le philosophe Michel Foucault est très drôle... Mais surtout, ce qui reste dans l'esprit du spectateur - et telle se prouve l'efficacité de ce spectacle engagé -, c'est un sentiment de révolte devant cette créativité sociale que piétine la normalisation. Ou devant cette vie féconde qu'un tel pouvoir, vecteur mortifère, ne sait qu'anéantir ! Voilà donc, revivifié par Judith Bernard et la Compagnie Ada-Théâtre, un théâtre politique exemplaire qui montre, convainc et mobilise, sans jamais nous ennuyer.

Toujours à la Manufacture des Abbesses - jusqu'au 20 décembre, les dimanches à 17h -, Les Témoins de et mis en scène par Yann Reuzeau. S'il fallait un spectacle de politique-fiction pour bien nous faire prendre conscience de ce pilier de la démocratie qu'est une presse libre, indépendante, cette histoire imaginée, densifiée par l'auteur, serait parfaitement adaptée. Un jour, un candidat d'extrême-droite gagne la présidentielle, et la rédaction de ce journal, « Les Témoins », qui tente encore de conserver son éthique professionnelle, est totalement chamboulée... Ce spectacle, louable, est à l'évidence très documenté. Et ces multiples façons par lesquelles une presse peut être étranglée, muselée, ne sont en rien factices ou exagérées. Nous en avons, hélas et actuellement, trop d'exemples dans le monde !... Tout se déroule, sur le plateau, dans une salle de rédaction en un rythme trépidant. Fallait-il pour autant hystériser la scène, et surjouer ce qui est déjà suffisamment dramatique et politique ? Sans doute pas.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
29-10-2020
 
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Verso n°136

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