Guyomard, le peintre de notre société
par Pierre Brana
Puis, en 1986, c’est la série Eté Rock clips où le jaune de l’année précédente laisse de la place aux vert, bleu marine, rouge bordeaux, avant que les couleurs, comme les traits, ne deviennent stridents pour évoquer la violence des décibels dans Halles rock, série consacrée à la musique rock. Ce sont d’ailleurs ces tableaux qui me sont venus à l’esprit lorsque, assistant dernièrement à un concert de musique minimaliste, j’imaginais un décor pour le spectacle. D’autant qu’étaient intégrés, dans le programme, des morceaux de rock, « ceux qui s’inspirent des principes minimalistes : des formes simples dans un assemblage complexe » selon les mots de Katia Labèque. Définition qui, de plus, va très bien à ces tableaux de Guyomard. En 1989, avec La stratégie de l’atelier – clin d’œil bien sûr à la stratégie de l’araignée – il utilise sa pratique de restaurateur de tableaux – son ancien métier – en réalisant des décalcomanies pour adjoindre à ses toiles des morceaux de photographies ou de graphismes découpés dans diverses publications.
Au début de la nouvelle décennie , son humour caustique va, à nouveau, se donner libre cours pour se moquer de ceux qui, cédant à l’esprit du temps, font n’importe quoi et ceux qui, par un tic de langage, répondent « tout à fait » au lieu de oui. Ce sont alors les séries N’importe quoi tout à fait où, pour souligner les titres, il associe sur la toile des éléments qui n’ont rien à voir entre eux, procédé auquel, il est vrai, il a souvent recours.
Adorant les formules toutes faites, on l’a vu, il poursuit par la série Où qu’on aille, tout est pareil qu’il prolonge parfois en ajoutant C’est pas vrai sans que cela se traduise, malice de l’artiste, par quoi que ce soit de significatif sur la toile.
Comme beaucoup de peintres, il est attiré par la troisième dimension et les années 1990 sont marquées par des découpes de contre-plaqué qu’il peint sur les deux côtés. Il réalise aussi, avec les chutes (rien ne se perd, tout se transforme !), des assemblages qu’il appelle – on s’en serait douté – Paysages de chutes. Dans certains tableaux de Je vais te dire, il incorpore des découpes provoquant parfois d’étranges et variables luminosités. De la série des Polyphonies bucoliques de 1997, je me souviens surtout de son hommage à Gustave Courbet où il n’est pas difficile de voir un salut à L’origine du monde.
Au début des années 2000, Gérard Guyomard se rapproche de la BD avec des vignettes de scènes se succédant par strates horizontales et reprend ses titres en langage parlé d’expressions familières Yfokecemoikifetou, Ykroa Konpeu, Parpaleminvid, Aloteou…
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