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[verso-hebdo]
03-05-2018
La chronique
de Pierre Corcos
Grandeur du photojournalisme
Il faut sans doute se rappeler l'extraordinaire essor du photojournalisme des années 20 aux années 50 - avant son recul progressif devant la télévision - pour apprécier davantage encore le travail de Susan Meiselas, membre de l'agence Magnum et née en 1948 à Baltimore aux États-Unis, dont une importante rétrospective nous est offerte au Musée du Jeu de Paume (Médiations jusqu'au 20 mai). Se rappeler cette combinaison de photographies en série, au moyen d'appareils rapides et maniables, et d'une investigation au long cours sur le terrain, contextualisée, s'accompagnant d'un journal, d'une démarche, pour mesurer la dimension informative et euristique, également éthique, de cette forme de journalisme, où la quête d'« objectivité » n'exclut pas une manière propre au photojournaliste. Les Capa, Gibson, Kertész, Riboud, Depardon, etc. jalonnèrent ainsi l'histoire du photojournalisme, donnant à la fois corps à des « sujets » et substance à un style. Voilà pourquoi d'ailleurs les Rencontres d'Arles nous offre, chaque année, au moins une ou deux révélations de photojournalisme.

On ne sera donc pas surpris de constater que l'approche de Susan Meiselas intègre livres, films, installations et bien entendu photographies. Dès la fin des années 90, elle commençait à recourir aux archives, collectées et incorporées à ses publications, à ses installations multimédia, toujours avec cette exigence de rendre une parole, une mémoire à ceux qu'elle photographie. Donc le contraire absolu de la « chosification » fréquente dans certains photoreportages, ayant pour mission primordiale de plaire aux magazines à sensations et à leur clientèle... Meiselas dit clairement : « C'est une chose importante pour moi - en fait, un élément essentiel de mon travail - que faire en sorte de respecter l'individualité des personnes que je photographie, dont l'existence est toujours liée à un moment et à un lieu très précis ». La contextualisation évite à la fois le fétichisme et la manipulation de la photo.
Il vaut la peine de s'attarder sur les premières oeuvres de Susan Meiselas : tout de sa méthode et de son exigence de photojournaliste s'y trouve en germe. Dans 44 Irving Street (1971), logeant à cette adresse quand elle était encore étudiante, elle réalise une série de portraits de ses voisins locataires, chacun(e) photographié(e) dans un coin de sa chambre. Seulement voilà, Meiselas a demandé à ses « sujets » d'écrire un court texte dans lequel ils décrivent la façon dont, à travers l'image, ils se perçoivent. Double réflexivité : d'une part les personnes peuvent compléter la photographie par un commentaire sur leur rapport au lieu, d'autre part témoigner de l'écart éventuel entre ce qu'elles paraissent et ce qu'elles sont, ou croient être. Bien entendu, Susan Meiselas a de surcroît noué une relation avec ses modèles... Complétant cette démarche, elle convie plus tard toute une communauté à participer à la constitution d'une archive, en juxtaposant des photographies extraites d'albums de famille et des portraits qu'elle-même a réalisés des habitants, en l'occurrence de Lando, ancienne petite ville textile. Construire une « généalogie visuelle » (sic), transcrire sur plusieurs générations des vies d'inconnus, c'est compléter la « photographie humaniste » par une dimension sociohistorique. La même dimension que nous retrouvons dans Prince Street Girls (1975-1990), rassemblant des photographies prise durant 15 ans à Little Italy (New York), quartier où elle vit encore : ces gamines frondeuses de huit ans qui traînaient dans les rues sont devenues de charmantes jeunes femmes, et tant de choses ont changé autour d'elles !... La méthode posée, les thèmes peuvent varier, mais le sensationnel creux en sera toujours exclu.

En 1978, Meiselas se rend au Nicaragua pour rendre compte de l'insurrection populaire contre le dictateur Somoza, du Front sandiniste, et de la longue guerre civile qui s'en est suivie. Pendant trente années, la photojournaliste est revenue sur les sites de ses premières images, retrouvant ceux qu'elle a photographiés, enregistrant leurs témoignages. Dans Pictures from a Revolution (1991), son troisième film sur le Nicaragua, elle inscrit les violences dans une problématique sociale, économique. Dans les installations Mediations (1978-1982), Molotov man (1979-2009), c'est l'usage, le contexte et la réappropriation de ses photos qui l'intéressent. Et les deux commissaires de l'exposition, Carles Guerra et Pia Viewing, n'ont de cesse, à travers documents, photos d'archives, projection de films, dispositifs divers, de nous faire comprendre la démarche photojournalistique, englobante et compréhensive, de Meiselas. C'est ainsi que dans l'installation « Carte aux histoires », les visiteurs sont invités à feuilleter des livrets d'images accrochés à des chaînes qui pendent de clous figurant des lieux d'Europe où la diaspora kurde, suite à de multiples persécutions, fut contrainte de se disperser : Kurdistan (1991-2007) reste un travail admirable, archive d'une mémoire collective perpétuellement menacée... Dans des sujets très différents (l'industrie du sexe, les clubs sadomasochistes ou la violence domestique), Susan Meiselas se sert de photos, films, enregistrements pour aller toujours au-delà du cliché, de l'image mythifiante, vers les personnes concrètes prises dans leur contexte précis, spatial et sociohistorique.
Le photojournalisme comme mission. Qui a ses contraintes, qui a sa grandeur.
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
03-05-2018
 
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Verso n°136

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