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[verso-hebdo]
03-11-2022
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Livre des esquisses (1952-1954), Jack Kerouac, traduit de l'anglais (Etats-Unis) et présenté par Lucien Suel, « La petite vermillon », Quai Voltaire, 384 p., 9, 20 euro.

Jack Kerouac est né en mars 1922 à Lowell dans le Massachusetts. Il s'est fait connaître surtout pour ses roman et la parution de On the Road (Sur la route) en 1956 lui a valu enfin le succès. Mais la poésie a été une constante dans sa recherche littéraire. Mais il n'a jamais cessé d'écrire de la poésie. Son ouvrage le plus abouti, largement inspiré par le jazz (étrangement associé à des préceptes bouddhistes), Mexico City Blues, a paru en 1959, l'année où est tourné le film Pull my Daisy , en même temps que deux disques de lectures de poèmes, Poetry for the Beat Generation et Blues and Haikus. L'année suivante, paraissait un autre disque, Reading for the Beat Generation by Jack Kerouac.
D'autres volumes paraissent posthumes, comme Le livre des haiku. En 1959, il a achevé une quinzaine de carnets qui constituent ce Book of Sketches. Ces textes ont été rédigés à partir de 1952. Ils ne forment un tout, mais serait plutôt une suite de pensées qui ont été traduites sous la forme du poème. Certains d'entre eux sont très courts, d'autres plutôt longs et sont souvent narratifs. C'est une sorte de journal intime que Kerouac a voulu ébaucher sous cette forme qui élimine la pesanteur d'un récit cohérent. Ce qui frappe de prime abord, c'est que l'écrivain s'est senti absolument libre dans la composition de tous ces écrits qui vont de la description d'un paysage urbain au gré de ses déplacements dans les Etats-Unis (et même en Europe, en particulier en Italie) jusqu'à l'introspection la plus intransigeante et sévère. Pas de règles donc ni d'ailleurs de continuité dans cet ensemble de poésies qui sont élaborées sans un canevas précis. C'est l'instant qui est l'artisan de leur création et non une idée globalisante. Il y a par exemple des bribes de On the Road, par Jack l'Iroquois (sic). Ils coïncident avec la période la plus difficile de l'écrivain -, celle où les éditeurs refusent tous ses manuscrits. On peut se rendre compte que sa créativité n'en est pas affectée, mais qu'il cherche aussi une issue à son problème par ces jeux de réminiscences et de pérégrinations infinies.
Il y a des notes pour des ouvrages non cités, des méditations, des réflexions sur certains grands auteurs qu'il a lus, en somme une foule de réflexions de toutes sortes qui se bouscules dans un charivari infernal. Kerouac semblait être en permanence en état d'éveil et de pulsation littéraire ininterrompue. Cette anthologie constituée par ses soins n'est pas un recueil mineur. C'est une autre manière d'aborder sa relation à l'écriture qui est compulsive. Un démon en lui n'avait de laisse de lui inspirer des souvenirs, des thèmes, des pensées, des visions, des rêves (il faut se rappeler qu'il a écrit un merveilleux Book of Dreams). Dans ces pages, le lecteur va rencontrer un Jack Kerouac d'une sincérité pleine et entière et aussi un écrivain qui sait faire feu de tout bois. Sa poésie est belle et intense et devrait le captiver en dépit de son apparence chaotique. Sans doute est-ce là l'instrument idéal pour pénétrer et comprendre l'univers de Jack Kerouac.




Staline et les Juifs - l'antisémitisme russe : une continuité du tsarisme ou communisme, Arkadi Vaksberg, traduit du russe par Dimitri Seseman préface de Stéphane Coutois, « Le goût de l'histoire », Les Belles Lettres, 390 p., 15, 50 euro.

Dans sa pertinente présentation, Stéphane Courtois rappelle que l'antisémitisme était de règle sous l'ancien région et dans la société russe. Certains tsars ont amélioré la situation de la communauté juive, d'autres l'ont aggravée. Mais jamais l'idée d'octroyer la citoyenneté pleine et entière aux Juifs de l'empire n'a été évoquée ni même esquissée. Avec la Révolution d'Octobre sont nés deux mythes, aussi erronés l'un que l'autre : le bolchevisme aurait été une affaire juive ou, à l'inverse, les Juifs auraient été hostiles aux révolutionnaires. Aucune de ces versions n'est réelle, mais elles ont connu un réel succès et sont encore énoncées de nos jours. Parmi les instances dirigeantes, précise Vaksberg, il n'y eut guère que Trotsky (Bronstein). Les soviets ont eu en revanche un certain nombre de composantes juives, mais pas la majorité et de loin !
Il faut se rappeler ce que Karl Marx a pu écrire sur la question juive : la révolution est de nature internationale et ne peut donc pas se concentrer sur des problèmes d'identité religieuse ou raciale. Les bolcheviks ont adopté cette position à la lettre, mais toujours en insinuant une problématique sur cette entité si singulière du monde russe. On peut s'interroger sur la nomination de Joseph Staline (de son vrai nom Djougachvili - il était Géorgien) sur la raison de la nomination d'un inconnu au commissariat du peuple aux Nationalités. Il est vrai qu'il avait écrit en 1913 un article dans la revue Les Lumières sur ce problème, mais il ne faisait pas partie du cercle de proches de Lénine. C'était un parfait inconnu, dont on savait seulement qu'il s'était évadé plusieurs fois des territoires de confinement de Sibérie. Il a fait alors part de son ignorance de tous ces peuples et de leur histoire. Lénine lui fit apporter l'aide de deux connaisseurs dont Nikolaï Boukharine. En ce qui concerne les Juifs, il refuse d'emblée de les considérer comme un peuple à part entière. Quant à Lénine, il croyait en l'assimilation. En somme, la pensée de Karl Marx est demeurée le mètre de cette affaire épineuse. Et comme Lénine, Staline entendait bien mener une lutte farouche contre le Bund, la ligue des ouvriers juifs sociaux-démocrates. De plus, la paix de Brest-Litovsk signée avec l'Allemagne dont s'est chargé Trotski réunion. Les termes de ce pacte ont provoqué des remous et des sentiments antisémites car le territoire de la Russie a été considérablement amputé.
Si les lois discriminatoires avaient été toutes abolies, il demeurait au coeur de la culture russe une méfiance à l'encontre des Juifs. Zinoviev gouvernait l'ancienne capitale, Saint-Pétersbourg, devenue Petrograd. Staline s'est gardé de se mêler de cette affaire. Les ennemis des bolcheviks les considéraient comme des agents du judaïsme. Il y a provoqué des massacres d'otages, la destruction d'église et la persécution des prêtres. Mais bientôt toutes les fautes ont été mise sur le compte des Juifs, au point que le nouveau régime a dû promulguer un décret « sur la lutte énergique contre l'antisémitisme ». Les pogromes se sont alors multipliés, dans un mélange des genres : anticommunisme et antisémitisme étaient la même chose.
On sait même des détachements de l'Armée rouge ont participé à ces pogromes. En avril 1919, cette question est mise à l'ordre du jour du Comité central. La Crimée révoltée fut l'objet d'une répression féroce et l'antisémitisme en a été l'étape suivante. En juin 1920, le Politburo a dû encore une fois se pencher sur ce problème. Staline s'est contenté de proposer que Kamenev soit chargé du dossier. Là encore, il évite toute confrontation. Au début des années vingt, Staline quitte son poste au Nationalités pour devenir secrétaire général du Comité central. Ce poste n'était pas considéré comme important, mais c'était celui qu'il ambitionnait d'occuper. Difficile de commenter l'antisémitisme de Staline, qui se manifeste par des éliminations de certains dirigeants de second plan. Mais s'il ne fait pas de déclarations précises, il a fourbi ses armes contre Trotski, Zinoviev et Kamenev.
La victoire des bolcheviks avait mis un terme aux campagnes antisémites, mais pas à l'antijudaïsme qui est resté diffus. Après la mort de Lénine, les associations sionistes avaient le soutien de l'Etat. Il en est de même pour les écoles et les bibliothèques où se développe une littérature en yiddish. Mais le théâtre juif de Moscou, Gabina, n'avait pas les faveurs du Kremlin. Mais celui-ci favorise les expériences du théâtre yiddish dans les provinces. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de l'attitude du pouvoir d'alors. Des écrivains d'origine juive sont reconnus comme Il y a Ehrenbourg, Vassili S. Grossman et Issac Babel. D'autres n'avaient pas cette chance, comme Ossip Mandelstam et Boris Pasternak, mais ils n'ont pas cru que c'était à cause de leur judéité.
Alors est née l'idée d'une région autonome juive dans le nord de la Crimée. Vladimir Les amis de Sergueï Essenine, antisémites déclarés, ont été arrêtés et fusillés. Vladimir Maïakovski a écrit sur commande un poème intitulé Youpin, qui fustige les ennemis des Juifs. Staline n'a commencé à afficher une politique hostile aux Juifs qu'à partir de 1933, mais dans un contexte plus vaste qui a été sa lutte impitoyable contre ceux qu'il considérait comme ses ennemis. Alors allait s'ouvrir la grande et terrifiante saison des procès, de la liquidation de la « vieille garde » léniniste (Zinoviev et Kamenev, tous deux juifs, en première ligne) et l'exil de Trotski, le tout accompagné d'exécutions de masse d'antirévolutionnaires et de déportations dans les goulags. Cette répression parfois très ciblée, d'autres fois aveugle inclut l'antisémitisme à outrance. Dans cette étude extrêmement bien documentée et très méticuleuse, Arkadi Vaksberg s'interroge sur les mobiles de Joseph Staline en ce qui concerne la question juive : était-il vraiment judéophobe ou était-ce un des aspects de sa volonté d'instituer la terreur dans toute l'URSS ? C'est là une recherche indispensable pour qui veut savoir de quelle façon a évolué le régime soviétique et aussi les idées et les lubies de Staline qui étaient souvent contradictoires et cryptiques. Le livre met en évidence l'ensemble des données faisant apparaître des orientations illogiques et déroutantes, en pesant chaque fois le pour et le contre, et en analysant les étranges changements de posture politique du dictateur. C'est vraiment un ouvrage indispensable aux spécialistes comme au commun des mortels. 




« Figure distese, ai margini del mondo », Attilio Forgioli, présentation de Claudio Cerritoli, Scoglio di Quarto, Milan.

Je dois admettre ne rien connaître de l'oeuvre d'Attilio Forgioli et ne me même ne rien avoir vu de son oeuvre. L'exposition présentée actuellement à la galerie milanaise Scoglio di Quarto a été pour moi une véritable découverte. L'artiste a choisi un sujet malheureusement familier des citadins du monde entier : les malheureux qui sont condamnés à dormir dans la rue. Mais Forgioli n'est pas tombé dans le misérabilisme de bon aloi et encore moins dans un réalisme fait pour culpabiliser le spectateur.
Non. Il a réalisé un grand nombre de de petits pastels à l'huile peints sur papier. On ne comprend pas immédiatement de quoi il s'agit. Il a travaillé aux confins de la figuration. Tous ces personnages allongés sur le sol finissent par prendre sens et forme dans leur énumération infinie. C'est pour lui un sujet comme un autre, même s'il ne dissimule pas une critique sociale, mais qui ne gangrène pas ses compositions. Chacun personnage est traité dans un esprit très similaire, mais avec une expression assez différente. Donc il faut, avec lui, jouer sur deux tableaux, qui finissent par se confondre : la rencontre de cet autre qui incarne les douleurs et les affres de l'existence moderne et d'un conception toute personnelle de la représentation d'une scène urbaine. Si son style n'est pas tout à fait dépourvu de poésie, il ne « poétise « pas cette situation disgracieuse que nous avons tous les jours sous les yeux, qui nous attriste, mais nous laisse plutôt indifférent pas la force de l'habitude. Bien sûr, on ne peut pas ne pas songer aux merveilleuses figures de femmes noues des grands maîtres de la fin de la Renaissance, incarnant la beauté et la sensualité.
Ici, l'auteur n'a pas chercher à forger des symboles ni rendre plus crue une vérité gênante. Il la peint à sa façon, sans emphase, sans pathos, et nous renvoie donc à notre propre conscience. Il est loin, très loin, des personnages tristes et miséreux de la période bleue et de la période rose de Pablo Picasso qui a sublimé ces saltimbanques désargentés. Il a trouvé une manière personnelle de traiter une question qui nous interroge sans jamais renoncer à sa propre recherche intérieure quant aux formes et aux couleurs. Cela peut dérouter certains, mais devrait agir sur le regard que nous portons sur l'injustice de ce monde.




Autobiographie d'un lecteur argentin, Daniel Link, traduit de l'espagnol (Argentine) par Charlotte Lemoine, « Arcades », Gallimard, 300 p., 18, 50 euro.

Daniel Link (né à Cordoba en 1959) a choisi la voie de l'enseignement et de la critique littéraire. Mais il n'en poursuit pas moins une recherche littéraire. Le présent ouvrage est d'ailleurs à mi-chemin de la création et de l'analyse critique. Son ouvrage débute par l'exposition de l'apprentissage de la lecture d'abord à l'école primaire, puis à l'école secondaire. Quelques oeuvres maîtresse tiennent alors une place de choix, comme l'Iliade et l'Odyssée. Rien que de très commun dans cette description de ces années de classe. L'auteur examine les différentes méthodes pour aborder la lecture. Bien. Mais la chose se fait beaucoup plus passionnante quand, un beau jour, un professeur demande aux élèves d'achever une nouvelle de Jorge Luis Borges.
A la fin de ses études classiques, en 1976, l'auteur se met à écrire de la poésie. Puis, deux ans plus tard, il prend la décision d'étudier deux ans plus tard les lettres avec Enrique Pezzoni comme professeur. Il a alors brossé le portrait de cet homme intelligent et cultivé, qui a été protégé par Vittoria Ocampo et qui lui a fait découvrir les oeuvres du grand poète originaire du Nicaragua, Rubèn Darìo, qui le transporte d'enthousiasme. C'est là le commencement de son aventure dans la sphère livresque. Alors, Daniel Link relate son initiation aux théories du structuralisme et quelles ont été les conséquences. En outre, il s'est trouvé à l'époque face à une situation problématique : il y avait la dictature et de nombreux livres étaient interdits. Donc lire devenait une activité clandestine. Il a approfondi divers auteurs, comme Roman Jakobson et Roland Barthes. Il fait la connaissance d'une enseignante remarquable, Beatriz Sarlo. Il a commencé à écrire des articles dès 1983. Il s'est aussi penché avec plus d'attention sur les écrits de Borges et d'Alejendra Pizarnik, qu'il rapproche de Franz Kafka.
Par la suite, il s'est interrogé sur des procédures de lecture. Ainsi, il étudie sans cesse plus les recherches de linguistique et de sémiologie, mais a su également apprendre à mieux approcher les textes qui l'intéressaient. En somme, ce curieux livre est une histoire de la nouvelle manière d'étudier la littérature en Argentine, à travers l'aventure intellectuelle de notre auteur. C'est parfois un peu désarmant, mais permet de mieux comprendre comme ont été vécues les conceptions novatrices de la spéculation menée par les linguistes et les sémiologues.
Gérard-Georges Lemaire
03-11-2022
 
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