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[verso-hebdo]
22-06-2023
La chronique
de Pierre Corcos
Le noir dans le dessin
Que se passe-t-il avec le noir dans le dessin ?... Bien que le réel n'en montre guère dans le contour des objets, le noir a été choisi pour sa délimitation nette, pour son affirmation dure et franche de la figure. Mais pas seulement... Regardez : la ligne noire sinueuse se déploie, s'affine ou se dilate en valeurs à certains endroits, et puis voilà que soudain elle insiste là, dans un gribouillis pugnace, accrocheur, et une masse noire émerge du papier blanc. Est-ce juste une intensité à cet endroit-là ? Un trou noir où fondent les énergies graphiques ? Quelque chose à pointer en même temps qu'on le dissimule ?... Mais plus loin commencent les hachures régulières, rassurantes. Alors, sans même évoquer ce qu'il représente, le dessin en noir et blanc avec ses techniques variées figure déjà tout un monde intérieur.

Doit-on dès lors s'étonner qu'Edgar Degas aurait, à la fin de sa vie, avoué : « Si j'avais à refaire ma vie, je ne ferais que du noir et blanc » ? Exhumant de ses réserves des trésors, empruntant des oeuvres à l'INHA, au musée d'Orsay ou au Metropolitan Museum de New York et réunissant ainsi 160 croquis, lithographies, monotypes et même photographies, toutes oeuvres en noir et blanc, la BnF - Site Richelieu nous propose jusqu'au 3 septembre, par une exposition chronologique, de revoir ou de relire Degas en noir et blanc. Cette fois l'on met de côté les chatoyants pastels de ses danseuses, les marbrures bleutées de ses nus ou bien ses chevaux de course mordorés... Procédant ainsi, la démarche conceptuelle (quid du noir et blanc ?) et technique s'impose, par-delà les thèmes choisis par l'artiste qui suffisaient au bonheur des autres expositions. « En s'attachant à cette passion pour le noir et blanc, si singulière dans le milieu impressionniste, cette exposition considère pour la première fois l'ensemble des moyens que Degas va éprouver : dessin à la mine graphite, au crayon, au fusain, eau-forte, lithographie (et toutes les ressources de l'estampe), monotype, mais aussi peinture et photographie » : un programme que l'exposition consciencieusement déroule en insistant sur la curiosité technique permanente de l'artiste. En suggérant aussi que tout ce noir pourrait trahir... un « moi ténébreux » (sic). C'est que le noir, on le conçoit aisément, ne cesse pas de solliciter l'interprétation ! Et l'on n'est pas prêt d'oublier, à propos du noir dans l'art, l'admirable exposition "Les arcs-en-ciel du noir", organisée il y a onze ans par Annie Lebrun sur l'importance de la matière noire aussi bien dans l'oeuvre littéraire que graphique de Victor Hugo (en 1864, il écrivait : "Nous n'avons que le choix du noir"). Chez Degas le noir suggère-t-il un aspect du réel qui le fascine, surtout parce qu'il y retrouve sa part d'ombre ? Les commissaires d'exposition (Henri Loyrette, biographe de Degas, Sylvie Aubenas, Valérie Sueur-Hermel, Flora Triebel - les trois dernières responsables du département des Estampes et de la photographie à la BnF) nous rappellent le choix fréquent de motifs ténébreux, et même parfois scabreux, durant la carrière de l'artiste. Aimanté par les intérieurs clos et parfois oppressants (loges étroites, chambres dans la pénombre ou salons de maisons closes), les ombres du soir, les clignotements de la nuit, Degas à l'évidence dénote par rapport aux impressionnistes, férus des couleurs éclatantes du plein-air. Le choix des oeuvres exposées ici, dans la pénombre des salles, en témoigne... En 1874, dès la première « exposition impressionniste », Degas, au milieu des autres peintures diaprées, rutilantes, présente une oeuvre insolite en camaïeu... gris, qualifiée de « dessin » : Répétition de ballet sur la scène. Et n'est-il pas significatif que l'artiste, envisageant de créer une sorte de revue impressionniste (mais elle se soldera par un échec), l'intitule « Le Jour et la Nuit » ? Le Blanc et le Noir. Mais aussi, on l'a vu, le ou les gris... Dont Degas cherche subtilement à étendre la gamme, en associant le vernis mou, l'aquatinte, la pointe sèche à l'eau-forte. Il n'arrête jamais de faire sa « cuisine » en noir, blanc et gris : des nouvelles recettes (lavis d'aquatinte), de nouveaux outils (crayon électrique), des ajouts d'encre travaillée, étalée au pinceau et au chiffon lors des différentes impressions. Les estampes, Degas les aime tellement qu'il en a réuni une collection considérable (après sa mort, quelques 3800 d'entre elles sont dispersées en vente publique : majoritairement des Daumier et des Gavarni). Lorsqu'il aborde la lithographie en 1891, il continue à expérimenter différentes méthodes de transfert sur la pierre, qu'il retravaille par abrasion ou ajout. Enfin, lorsqu'il se lance en 1895 dans la photographie, avec tous ses plans sombres possibles c'est la folie ! Dix ans plus tard, il confie à Daniel Halévy : « La photographie, ça a été une passion terrible, j'ai ennuyé tous mes amis ».

Voilà donc, nous enveloppant tout au long de cette exposition originale, une belle ... rhapsodie en noir. Elle offrira l'occasion de s'interroger sur le style de Degas, sans doute moins « impressionniste » que « réaliste » ou « naturaliste » (lui-même utilisait ces deux termes). Ou probablement de louer l'expérimentateur exigeant, insatiable et moderniste qu'il fut. Ou enfin et surtout de scruter le noir dans le dessin et la gravure : sa place, ses effets, sa valeur et ses significations. Sans doute influencés, comme désormais nous le sommes, par Pierre Soulages disant : « J'aime l'autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité ».
La chronique
de Pierre Corcos

Le noir dans le dessin
22-06-2023
 
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