La nouvelle exposition de Daniel Authouart chez son fidèle marchand Pascal Gabert (11 bis rue du Perche 75003 jusqu'au 6 janvier 2024) est placée sous le signe d'un tableau exceptionnel. Un de ces tableaux sursaturés de références et de prouesses graphiques comme seul Authouart est capable d'en produire depuis des décennies. Celui-ci, une huile sur toile de 114 x 146 cm, JOKER, fait immédiatement penser à un autre grand tableau, de 2009, A NEW WORLD. Que l'artiste commentait ainsi : « la stupéfiante victoire de la démocratie qui permit en novembre 2008 la victoire de Barack Obama à la tête des Etats-Unis d'Amérique me semble le plus grand évènement porteur d'espoir de notre temps. Pour symboliser le début de sa gouvernance, dans mon tableau A new world, j'ai imaginé un parallèle entre le char de l'État représenté ici sous la forme d'un 4x4 Hummer et Le Radeau de la Méduse de Géricault. Sur le tableau de Géricault au sommet de la pyramide humaine, un homme noir brandit un chiffon blanc. Géricault pensait vraisemblablement à Toussaint Louverture, le leader anti-esclavagiste haïtien. Reprenant les poses des personnages de Géricault, la société américaine est, dans A New World, emmenée par un homme noir qui brandit un drapeau américain dans une envolée de dollars. »
C'était en 2009. Et en 2023 ? Le ton a changé. Obama a quitté le pouvoir, Joe Biden ne pourra peut-être pas se représenter et un danger menace l'Amérique et le monde. A quoi pense Authouart ? Ne serait-ce pas, tout en haut et à droite de sa composition, une figure à la ridicule chevelure couleur blonde dont il calligraphie le nom : Trump ! Ce n'est plus la victoire de la démocratie qui est en vue mais sa défaite. Pour le peintre, fini de rire. Bien sûr, nous remarquons qu'Authouart multiplie toujours les bus bondés, les voitures décapotables débordantes d'occupants. Il les appelle des « barques de Dante » et nous devinons qu'il est préoccupé par la cécité de l'humanité qui semble courir aujourd'hui à sa perte sans s'en rendre compte. Voilà pour l'intention, la signification, l'allégorie si l'on veut. Disons : le projet conceptuel qui ordonne ces images.
Mais la force de ces dernières ne vient que subsidiairement de là. Elle a d'abord pour origine l'énergie picturale qui subvertit les tableaux d'Authouart avec une extrême précision. Une précision telle que plusieurs milliers d'heures de travail sont nécessaires à l'exécution de ceux comme Joker ou A new World. Dans ces derniers tableaux il détaille ce qu'il appelle « le voyage de la vie ». Par exemple un bus traverse l'effervescence de Times Square. Il se retrouvera, au bout de son voyage, la nuit tombée, sur la 42eme rue au milieu d'une foule qui se prépare pour une fête incertaine dont le peintre ne donne pas le nom.
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