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[verso-hebdo]
28-03-2024
La chronique
de Pierre Corcos
Le retour du disparu
Évoquer une enfance pour donner plus de sens et plénitude au présent. Convoquer des fantômes du passé venant chuchoter des histoires réparatrices... Dans Okhty (« ma soeur » en arabe), le spectacle qu'elles ont conçu et interprètent, les soeurs jumelles Lina et Sarah Baraka ont la chance (« baraka » signifie bénédiction, par la suite chance en arabe) d'avoir pu mettre en mots ce que d'autres endurent en symptômes : le racisme et la xénophobie tellement injustes, l'identité problématique d'une double culture franco-algérienne, l'absence d'un père comédien mort jeune, enterré en Algérie et qu'elles ont à peine connu... Sur le plateau, des paroles et des images. Les paroles selon un triple régime : les récits entrecroisés des deux soeurs, évocations directes ; la voix off de la mère avec laquelle elles ont vécu dans ce Nord-Pas-de-Calais où elles sont nées ; enfin des vidéos, archives émouvantes projetées sur un linge ou un drapeau qui sert d'écran. Les images : les images de la vidéo, et puis tout ce que Lina et Sarah reconstituent sur la scène à un niveau symbolique. Par exemple ces figures circulaires ou ovales, peu ou prou magiques, qu'elles composent avec des noyaux et dans lesquelles un refuge est toujours possible, ou bien ces cuvettes d'ablutions comme pour des ressourcements, des purifications. Dans ce contexte, même des gestes aussi simples que préparer un thé à la menthe ou bien laver les cheveux de la soeur prennent valeur de rituel. Tout comme cette invitation au partage dégustatif avec le public. Et il émane de ce spectacle (même s'il contient un moment de colère cathartique) quelque chose d'à la fois tendre, tactile et sensitif venant compléter ce jeu de signes réparateur... Lina Baraka est cinéaste, Sarah Baraka cherche à faire se dialoguer écriture et danse. Okhty est, comme on dit, un spectacle « hybride » (en tournée : on peut ainsi le découvrir les 25 et 26 avril à la Maison Poème à Bruxelles), mais là où d'autres s'égarent, enivrés par une multiplicité de langages incontrôlés, Lina et Sarah Baraka, grâce à la prégnante inspiration du vécu, parviennent à créer un espace évocateur et accueillant pour beaucoup de spectateurs. En fait nous participons à une cérémonie invitant les figures de notre mémoire à revenir, en les apprivoisant pour recueillir leurs confidences. Okhti... Ici le théâtre convoque les fantômes du passé avant qu'ils se transforment en démons.

Dans En travers de sa gorge de et mis en scène par Marc Lainé - qu'on a pu voir jusqu'au 16 mars au Théâtre du Rond-Point -, le fantôme du mari disparu peut être ressenti comme un démon, dans la mesure où il prend possession du corps d'un jeune homme. Cette fois le spectateur est immergé dans le monde du fantastique, qui rompt l'ordre naturel des choses de façon inquiétante à la différence du merveilleux. Le thème du fantôme est présent dans la plupart des spectacles de Marc Lainé. Il compte achever, dès l'année prochaine, Une trilogie fantastique. Le spectacle démarre comme un thriller : brillant professeur d'université, le mari (Bertrand Belin) de Marianne Leidgens (Marie-Sophie Ferdane), une cinéaste en crise, a mystérieusement disparu (fuite, meurtre, enlèvement ?). Puis nous entrons dans le genre fantastique et même le scénario d'épouvante, comme dans le film « L'Exorciste » ou la saga « The Conjuring », puisqu'un inconnu prétend ici être possédé par l'esprit du disparu (il a sa voix, il tient ses propos). Et enfin nous comprenons qu'il s'agit là du montage d'un film, sur lequel un dispositif imposant de caméra sur rails, de captation d'images et d'écran large surplombant la scène pouvaient attirer notre attention d'entrée de jeu... Là où le spectateur réticent ne percevrait qu'une accumulation de gadgets scénographiques (Marc Lainé enseigne la scénographie dans différentes écoles d'art dramatique et d'architecture), ou bien se bloquerait devant cette histoire de fantôme et de possession, le metteur en scène affirme non sans bonnes raisons qu'il revient en fait - en s'en donnant les plus larges moyens possibles - à l'essence même du théâtre : « Pour moi la scène est précisément cet espace où la réalité et la fiction peuvent s'entremêler et se confondre, où le monde des morts et le monde des vivants peuvent coexister, où Hamlet peut dialoguer avec le spectre de son père mort pour ne donner qu'un seul exemple. (...) ce thème de la possession a à voir avec la nature même du théâtre ». Mais le plus important reste ce que charrie le spectacle comme thèmes pouvant nous captiver : la question vertigineuse de l'incarnation d'une subjectivité ou celle de la possession d'une personne, les mésententes profondes et les rapports de pouvoir dans un couple, la hantise face aux êtres disparus... Sur tous ces thèmes et d'autres, comme les deuils traversant notre vie, on regrette que la qualité des dialogues ne soit pas à la hauteur de la virtuosité de la scénographie, elle-même quelque peu entachée par l'utilisation permanente et systématique de la vidéo projetée sur grand écran. En effet, ce type de scénario, de dialogues et l'omniprésence d'une image mobile sans recherche cinématographique peuvent donner la curieuse sensation d'assister, dans un théâtre, à un téléfilm.
Sans aucun doute, maints spectateurs ne seront pas choqués par ce décloisonnement, et ils en seront même ravis... On demandera au fantôme ce qu'il en pense !
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
28-03-2024
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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