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[Visuel-News]
25-09-2025
La chronique de Pierre Corcos Classiques (im)pertinents La chronique de Gérard-Georges Lemaire Chronique d'un bibliomane mélancolique
La chronique de Pierre Corcos |
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Classiques (im)pertinents |
À la fois témoin et critique de son temps, une oeuvre théâtrale, ne pouvant être comme objet culturel pleinement comprise que dans/par son contexte historique, c'est abuser pour la promouvoir de clamer ici que Molière serait notre contemporain ou là que Musset est le décodeur de notre époque. L'un ou l'autre étaient les contemporains... de leur temps ! Et il en va de même pour leur aire géographique : ainsi Ivan Gontcharov (1812-1891) doit être saisi dans la littérature russe de son temps, alors empreinte d'un mysticisme quelque peu messianique, comme un initiateur du réalisme littéraire. Cela posé, il arrive bien sûr que des thèmes, des intrigues, des personnages puissent faire écho avec quelques aspects de notre temps, que l'attitude de tel héros nous parle encore, que la contestation de l'un ou la révolte de l'autre nous paraissent pertinentes.
Oblomov, le roman de Gontcharov (1859), a pris toute sa chair autour d'un noyau, Le Rêve d'Oblomov, paru en 1848, réaliste et ample tableau de la vie de l'aristocratie terrienne russe : un mode de vie indolent, aboulique et irresponsable, que d'ailleurs Gontcharov surnomme... « oblomovtchina ». Un thème très russe que Tchekhov reprendra à sa façon dans son chef d'oeuvre La Cerisaie (1904). Ici le roman met en scène une journée totalement oisive d'Oblomov dans son appartement de Saint-Pétersbourg... Se levant tard, collé à sa robe de chambre et recevant un certain nombre de visiteurs qui ne parviennent guère à le tirer de sa flemme infantile et de sa nonchalance rêveuse, le héros prône une attitude existentielle. Et ni l'ami Stolz, symbole du travail créatif dans une société industrielle en germe, ni Olga, la jeune fille qui l'aime et espère tant le secouer n'arrivent à l'extraire de son lit, berceau ou cercueil, et le détourner d'une attitude au final critique puisqu'elle remet en question la valeur du travail et l'activisme de la modernité. Le roman obtint un immense succès auprès des Russes cultivés d'alors, son héros incarnant l'homme velléitaire où beaucoup se retrouvaient... Se détachant de la problématique de son temps (le 19ème) et de sa culture (russe), Oblomov est devenu l'un de ces types humains candidats à une intemporalité et universalité relatives : Oblomov est donc à la paresse ce qu'Harpagon est à l'avarice. Et chaque adaptation, théâtrale ou cinématographique (on pense à Quelques jours dans la vie d'Oblomov (1979) de Nikita Mikhalkov), interprétera, actualisera à sa façon ce personnage archétypique. Ainsi, dans l'adaptation volontairement réductrice (plus que deux personnages au lieu de la dizaine dans le roman) de L.M. Formentin et la mise en scène intimiste de Jacques Connort (Oblomov jusqu'au 23 octobre au Théâtre Essaïon), ce qui est mis en valeur, ce sont surtout les thèmes, en connivence, du temps arrêté et de l'enfance éternelle. Aussi une émouvante relation entre Oblomov (Alexandre Chapelon) et son domestique Zakhar (Yvan Varco). Il en sort une idée, pertinente, de la paresse comme un refus d'entrer dans l'âge adulte, et beaucoup de spectateurs apprécieront ce retrait, cette retraite face à une réalité devenue frustrante et périlleuse.
« Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! » : cette phrase célèbre, extraite du long monologue (acte V, scène 3) de Figaro dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais (1732-1799), était fort impertinente pour son époque, à l'égard de l'aristocratie bien sûr. Et d'ailleurs la pièce fut interdite une première fois en 1782, remaniée et interdite de nouveau en 1783, jouée sur des scènes privées avant d'être enfin représentée publiquement en 1784 à la Comédie-Française. Mais cette phrase, aujourd'hui, réentendons-la : elle reste tout à fait pertinente visant un médiocre fils de milliardaire... Ce qui permet à Léna Bréban, qui a assuré l'adaptation et la mise en scène de ce chef d'oeuvre théâtral (jusqu'au 4 janvier au théâtre La Scala), de s'écrier : « Soudain, j'ai été frappée par l'actualité saisissante de ce texte. Les rapports de domination sociale. Les rapports de domination entre hommes et femmes ». Propos pertinents mais qui, pour actualiser davantage la pièce, ne l'empêchent pas d'ajouter des chansons qui nous parlent d'aujourd'hui, de s'amuser avec les époques des costumes ou des décors (cloisons mobiles, papiers peints en toile de Jouy, costumes se référant à des temps variés), d'imprimer enfin à la troupe un rythme effréné, bien actuel. Mais après tout, l'autre titre de la pièce n'est-il La Folle journée ? On pourrait quand même trouver l'ensemble quelque peu gueulard et déchaîné, la pièce de Beaumarchais entrelaçant plusieurs intrigues, et se tenant dans un équilibre subtil entre les larmes du drame bourgeois et les rires de la comédie. Après tout, la scène de reconnaissance où Figaro retrouve ses parents, les tirades révolutionnaires ont leur gravité... Mais l'acteur chevronné qu'est Philippe Torreton (Figaro) rectifie admirablement les quelques travers de la mise en scène. Il est bouleversant dans le monologue (dont on apprend que ce texte, apprenti comédien il le connaissait par coeur), et il porte les scènes d'amour plus loin que la « gaudriole théâtrale ». Alors voilà un classique dont l'impertinence n'a pas conduit à la prise de la Bastille, mais dont la pertinence séduit toujours.
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