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[verso-hebdo]
03-03-2022
La chronique
de Pierre Corcos
Lumières photographiques
On sait que l'éclairage joue un rôle non négligeable au cinéma. Déjà un film muet comme The Cheat (1915), de Cecil B. De Mille, se présentait comme un véritable manuel des possibilités expressives variées de la lumière artificielle, dont les Italiens et les Danois usèrent à l'envi, tandis que l'expressionnisme allemand, lui, en tira des effets psychologiques et dramatiques indépassables. Bien des films en noir et blanc d'après-guerre ont abusé de cette lumière, artificialisée jusqu'à en devenir surnaturelle, pour gommer les imperfections autant que sublimer le visage des stars, et contribuer ainsi à leur mythification... Récupérant pour la photographie ces techniques rodées d'éclairage cinématographique, une certaine Germaine Hirschefeld, mieux connue sous le pseudonyme d'Harcourt, collaborant avec les patrons de presse Jacques et Jean Lacroix, et Robert Ricci, fils de la couturière Nina Ricci, fonda le célébrissime studio Harcourt en 1934. Il en sortit une marque de référence et une véritable institution (aujourd'hui labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant » !), au point qu'en 1989, lorsque le studio connut des difficultés financières, Jack Lang, tout à fait conscient de l'intérêt patrimonial de ce fonds, jugea que l'État se devait d'acquérir cette collection photographique du studio Harcourt, riche de quatre millions de négatifs, de 1932 à 1979... Racheté plusieurs fois depuis 1991, le nouveau studio Harcourt-Paris poursuit cette tradition consacrant une esthétique rigoureusement codée, où la lumière artificielle obéit à des règles strictes. L'exposition Studio Harcourt - L'art de la lumière (jusqu'au 22 mai 2022 au Musée de la Photographie Charles Nègre à Nice) ne nous propose pas seulement de retrouver en noir et blanc toutes les vedettes de cinéma, de Michelle Morgan à Cate Blanchett, en passant par Gérard Philippe ou Keanu Reeves, mais surtout de mesurer (et admirer peut-être) combien, par son efficacité de sublimation à usage grand public, la perpétuation d'un code lumineux aux variations réduites s'est massivement imposée. Heureusement, les grands photographes de portraits, comme Yousuf Karsh, Gisèle Freund, Richard Avedon, etc., ont pu de leur côté s'affranchir de ces codes figés. Mais ici, « éclairé par une lumière de projecteurs de cinéma généralement latérale (éclairage au tungstène qui favorise les effets de luminescence sur le visage et de moire sur le fond) ou en halo créant un fort effet de clair-obscur, en profondeur de champ faible, sur un fond de dégradé du gris au noir » , le modèle, pour accéder à une mythique éternité, consent à troquer son image identitaire contre la griffe et la lumière Harcourt... Ce type de lumière procède de la même « idéalisation » que le travail minutieux de retouches, sur le négatif comme sur l'épreuve, ou que l'angle de prise de vue le plus avantageux. Ainsi Cosette Harcourt a consenti de faire de cette lumière cadrée, invariable, une véritable griffe, et d'être surnommée la « Mademoiselle Chanel de la Photographie ». Chaque visiteur de l'exposition, qu'il se félicite du procédé ou se désole des contraintes du code, ne peut qu'apprécier dans tous les cas les pouvoirs esthétiques de la lumière en photographie.

En voie de réhabilitation, Gaston Paris (1903-1964), dont on peut voir une exposition à la galerie Roger-Viollet ( L'oeil fantastique jusqu'au 23 avril) en même temps qu'une autre au Centre Pompidou ( La photographie en spectacle jusqu'au 18 avril), a su, quant à lui, avec brio tirer parti de la lumière naturelle et jouer avec l'éclairage artificiel. L'historien de la photographie Michel Frizot, commissaire de l'exposition du Centre Pompidou, déclare : « Dans toutes ses photos, c'est quelqu'un qui domine l'éclairage en virtuose : toutes les intensités, toutes les situations y compris à contre-jour » . Artiste à tort oublié, Gaston Paris fut à la fois inspiré par la photographie humaniste, le surréalisme, et marqué par sa formation cinématographique. Par elle, il semble enclin à éclairer frontalement ses modèles, modelant ainsi, sculptant les visages et les corps de lumières et d'ombres. De 1933 à 1939, avec une grande liberté voire une audace d'inspiration, ce photoreporter enchante les pages du célèbre magazine de l'époque, VU . Mais il travailla également pour La Rampe, Match, La Semaine... Il aimait le monde du spectacle vivant, le bizarre du quotidien et les rassemblements populaires. Mais on s'attardera volontiers sur le poète de la lumière : ce Viaduc d'Austerlitz (vers 1935), papillotement aquatique et lumineux, d'une inspiration impressionniste, ou bien le contre-jour fantastique de cet Ouvrier sur un chantier (1938) devenu menaçante ombre chinoise, ou encore le savant contre-jour à travers des barreaux de ce Surveillant à la prison d'Aniane (1946). Gaston Paris a su capturer la lumière laiteuse du petit matin qui enveloppe ces trois marins dans une rue déserte, ou celle blafarde d'un globe lumineux accablant un pochard dans un bistro qui va fermer. En éclairage artificiel, son Edith Piaf (vers 1937) compose un superbe ensemble poétique et mélancolique, par le satin et ses tendres moires sous la cire douce de ce visage saisi en oblique... Aujourd'hui, la photographie couleurs, le numérique tendent à minorer tout ce que la lumière nous offre comme effets, décor, reliefs, ambiance, symbolique, expressivité. D'une autre époque étaient Harcourt et Gaston Paris...
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
03-03-2022
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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