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[verso-hebdo]
23-11-2023
La chronique
de Pierre Corcos
La rose et les épines
La pièce Le Bateau pour Lipaia, adaptée du livre d'Alexeï Arbouzov par Jean-Pierre Hané, mise en scène par Gil Galliot (jusqu'au 31 décembre au Studio Hébertot) recèle en sa trame trois défis au moins pour la relation amoureuse : un environnement peu propice, des personnalités apparemment incompatibles et un âge avancé... Dans un sanatorium à Riga et dans une URSS plombée par la bureaucratie (l'action se situe en 1967), Lidia, patiente excentrique, agace prodigieusement le docteur Rodion, médecin-chef de l'établissement, un homme revêche et renfermé ; les deux personnages sont parvenus au soir de leur existence. Débordante d'énergie (d'abord vécue comme hystérique par Rodion), fabulatrice, Lidia irrite, provoque, mais séduit peu à peu cet homme dont le vieillissement, les pesanteurs administratives et le décès ancien de son épouse ont gelé les sentiments. La pièce, charmante, entend nous montrer que, même sur le tard, Éros peut sortir de sa torpeur et habilement surmonter maints obstacles. Une rose miraculeuse va éclore dans un temps et un espace hostiles... Le dramaturge russe Alexeï Arbouzov (1908-1986) a construit cette romance du troisième âge (« c'est peut-être ennuyeux de vieillir, mais c'est notre seule chance de vivre longtemps ») en un savant dosage de réalisme et d'idéalisme, en une progression crédible des sentiments, et en travaillant assez les caractères de ses deux personnages pour donner l'envie à d'excellents comédiens, en duo, de les jouer avec la subtilité requise. C'est ainsi que, tour à tour Edwige Feuillère et Guy Tréjean, Simone Valère et Jean Desailly, Genevière Casile et Jean-François Guillet ont interprété Le Bateau pour Lipaia... Et cette fois-ci Emmanuel Dechartre et Bérengère Dautun ont su, à nouveau, éviter le piège de la mièvrerie et finement doser les affects successifs de Rodion et Lidia pour que le spectateur adhère à cette histoire touchante et optimiste (« la gaîté, c'est le premier pas vers la santé » ). Dans un décor inspiré du constructivisme russe, et plus précisément des peintures d'El Lissitzky, les scènes courtes, différemment éclairées, ponctuent l'évolution des sentiments, de la franche antipathie à une promesse de bonheur à deux, « l'embarquement pour Cythère » s'effectuant dans ce Bateau pour Lipaïa. Les thèmes de la solitude, du deuil et de la dépression, de la vieillesse et du renoncement sont abordés sans emphase, avec la panacée amoureuse comme jouvence. Car, ainsi que le suggère la pièce d'Arbouzov, là où l'amour se pose, la scorie devient une rose.

Dès que la relation amoureuse commence, elle est déjà mûre pour la séparation, le divorce, la rupture... Subrepticement le termite de la désidéalisation a rongé le bel édifice, et les deux partenaires découvrent peu à peu l'égoïsme de chacun, l'incompréhension, et l'usure du désir. La rose a perdu ses pétales, il ne reste plus que les épines. Dans Ahouvi (« Mon amour » en hébreu), l'auteur et metteur en scène israëlien Yuval Rozman nous raconte la violente désagrégation, au bout de cinq ans, d'un couple formé par une Israëlienne (Tamar) et un Français (Virgile). Comme d'habitude une romance délicieuse qui s'est muée en folie nauséeuse (jusqu'au 25 novembre au Théâtre du Rond-Point). La truculence brutale de l'un sans doute inadaptée à la fragilité sensitive de l'autre, les différences culturelles génératrices de malentendus, la présence perturbatrice de l'ex-compagne de Virgile... Yuval Rozman fournit aux spectateurs quelques bonnes raisons à cette rupture, mais il laisse suffisamment de flou, de blanc pour que chacune et chacun ayant déjà vécu une douloureuse rupture puissent s'identifier aux deux protagonistes. Mais leur comportement, leurs réactions et même leurs pratiques culturelles semblent typiques d'une génération de trentenaires. Un dispositif quadrifrontal par lequel les comédiens prennent à témoin le public et parfois le rencontrent, les lumières de la salle restant allumées, vise à favoriser une sorte de familiarité avec ce couple débordant d'émotions. Et la présence rare, très originale d'un chien, élément focal dans ce couple (comme il l'était dans le magnifique roman de Kundera L'Insoutenable Légèreté de l'être), crée une effervescence scénique inhabituelle. Et si l'on n'est pas autorisé à dire qu'Yova - ou Epops en alternance - « joue » très bien (encore que...), leur prestation canine apporte beaucoup de fraîcheur au spectacle d'Yuval Rozman. Par contre on regrette que la dimension allégorique (ce couple représenterait aussi la difficile relation entre la France et Israël) qu'il souhaite inscrire en filigrane de ce ratage amoureux ne soit pas plus perceptible. Les chansons, les cabrioles et les danses, la crudité parfois des dialogues, une musique tonitruante par effractions, la fougue des comédiens (Stéphanie Aflalo, Roxane Roux, Gaël Sall) cibleront leur public. Ces accents de désespoir juvénile à la Boris Vian (« J'ai besoin de parler d'amour pour me préparer au moment où l'on se séparera, au moment où rien ne sera plus pareil », confie Yuval Rozman) se joignent en échos aux accents tragiques et dérisoires propres au théâtre de l'israëlien Hanoch Levin (1943-1999). Et pourtant, un scénario alternatif à cet échec absurde et cruel est, à la fin, envisagé par Yuval Rozman. Mais alors il faut courageusement avancer dans le vide, et chaque pas que nous faisons construit la passerelle...
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
23-11-2023
 
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Verso n°136

L'artiste du mois : Marko Velk

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