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[verso-hebdo]
07-12-2023
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane mélancolique

Cent ans d'art en Chine, 1920-2020, Christophe Commentale, Editions du Canoë, 538 p., 45 euro.

Aussi curieux que cela puisse paraître, il n'existe pratiquement rien sur l'art chinois moderne. Bien sûr, il y a tous les catalogues de ces innombrables et insipides expositions, où l'on a pu voir des centaines, des milliers de portraits hiératiques de Mao parfois ironiques, mais la plupart du temps élogieux. Et je ne parle pas des paysages ou des natures mortes qui illustraient la revue Littérature chinoise !
En fait nous ne connaissons que Yang Pei-Ming (né à Shangaï en 1960), qui est désormais quasiment devenu un artiste français. Cet ouvrage a donc une grande valeur car il nous fait connaître toutes ces décennies de créations avant et après la révolution de 1949. La transition entre l'art traditionnel, qui remontait déjà loin dans le temps et avait une assise religieuse, a pris toutes sortes de formes. Je vous laisse le soin de découvrir cette somme passionnante, mais je voudrais attirer votre attention sur des compositions de la première partie du XXe siècle, comme le Nu féminin de Wu Zuoren (1937). Une belle huile sur toile qui montre que l'esprit occidental avait bien pénétré l'esprit et la main des artiste de l'Empire du Milieu. Mais d'autres ont souhaité trouver un compromis entre les deux mondes esthétiques, comme l'a fait Xu Dazhang dans son Double portrait en 1906. Les peintres de ce pays ont d'abord aspiré à une liberté d'expression que lui offrait cette découverte des peintures d'Occident. Un tableau sans titre de Lin Fegimian, qui est une nature morte, a quels points communs avec Matisse. Un paysage du même auteur, datant environ de 1940, se rapprocherait plus de Munch. Du pur académisme à la récupération de l'art populaire le plus humble, ils ont parcouru tous les chemins possibles pour découvrir leur propre identité dans l'art pictural. Le réalisme n'est pas prédominant. Bien au contraire. Peu après la mort de Mao Zedung, qui est survenue en 1976, sa pratique artistique s'est libérée de ses chaînes idéologiques. Sans doute il existe un certain décalage entre ce qui se faisait en Orient et ce que ces jeunes émancipés ont pu alors imaginer. Mais il n'y avait pas un gouffre entre ces deux rives de l'art. Ce sont les formes les plus tapageuses qui n'ont pas été adoptées, peut-être par ignorance, peut-être par rejet des performances ou de la poésie concrète. Toutefois, il a existé des exceptions assez tôt, cependant dans une optique chinoise.
Mais l'abstraction a eu ses lettres de noblesse avec Chen Tingshi (2002) ou encore avec Tan Ping, qui a eu une véritable audace dans la construction plastique de ses oeuvres. Ce vadémécum est à la fois une histoire de l'art édifiée avec le plus grand soin, de l'art très complète, un recueil de biographies assez complètes et un atlas complet d'une esthétique novatrice qui n'a pas exactement son équivalent chez nous. Nous avons presque tout un continent à découvrir. Qu'on n'oublie pas qu'il a quasiment dix millions d'artistes dans la République populaire !




Machins d'art, une histoire croisée de l'art moderne, l'art contemporain et l'art brut, Le M, Lille Métropole / Editions in fine, 280 p., 32 euro.

Ce musée lillois n'a pas été construit hier. Il existe déjà depuis quarante ans. Mais, peut-être, était-ce le bon moment pour que le visiteur puisse prendre toute la mesure de son ambition, qui n'est pas des plus banales. Celle-ci est ne plus forger une hiérarchie entre un art un peu ancien et l'art de notre temps (il y a une oeuvre datant de 1869) et de renoncer à classer les pièces qu'il conserve selon des catégories hermétiques. C'est ainsi que l'art brut y trouve naturellement sa place à côté de compositions de Jean Dubuffet, de Daniel Buren ou d'Alexandre Calder. Il est évident que le choix qui a été fait pour enrichir cette collection désormais importante et de miser surtout sur des artistes et, en tout cas, sur des tableaux ou des sculptures étant le fruit d'une rupture ludique avec la plupart des artistes du XXe siècle.
Toutefois, il n'a pas été question ici de mettre en scène ce qui est étrange ou même surréel. Pas question de trouver partout des analogies plus ou moins conséquentes. Mais le rapprochement entre des époques et des genres très différents (et parfois considérés hors du champ artistique digne des musées) sont néanmoins prégnants quand le besoin s'en fait sentir. De toute façon, l'idée centrale de ce jeu muséographique a été de dissiper toutes idées reçues sur l'art récent. Le jeu, par exemple, tient une large place au cours du siècle dernier. Le problème reste maintenant de comprendre comment faire avec l'art de ces dernières années, qui, le plus souvent, a renoncé aux concepts de la beauté et même à ce qu'on a appelé la « tradition du modern ». On a changé (en général) d'aire d'action et de réflexion. Ce sera le défi de ce lieu étrange par définition et par vocation. Je ne regrette qu'une chose : le titre de ce volume.
Parler de « machins d'art » me paraît tourner l'ensemble de ces ouvrages, que ce soient ceux d'auteurs importants, comme Paul Klee ou Amedeo Modigliani, parmi tant d'autres) en face de ces nombreuses figures de l'art dit brut, qui révèlent un talent authentique dans ce genre de création autodidacte. Mais ce n'est là que la traduction d'une attitude de notre jeune siècle, qui associe de plus en plus les arts et la publicité, même si ce n'est pas vraiment de bon aloi. Cette collection mérite d'être visitée et son catalogue donne une impression précise de ce qu'il a cru bon d'acquérir dans le but de modifier et de renverser les paramètres des arts plastiques, même ceux qui ont été contestés tout au long de l'aventure de l'art moderne.




Anselm Kiefer, la photographie au commencement, collectif, Le M, Lille Métropole / Editions Gallimard, 208 p., 36 euro.

Comme le souligne à juste titre Christian Weikop, la recherche photographique d'Anselm Kiefer est assez peu discutée dans les nombreux ouvrages et catalogues qui lui sont consacrés. C'est étrange et il n'y a guère d'explications (peut-être n'y attache-t-il pas beaucoup d'importance, qui sait ? En tout cas, ce catalogue nous procure une idée de la manière dont il utilise l'appareil photographique. Au début de ce volume, on y trouve un cliché de 1975 qui a fait grand bruit et qui a été l'objet d'un malentendu : on voit l'artiste sur le toit d'un grand bâtiment qui fait le salut nazi.
Bien évidemment, la posture était à prendre au second degré, d'autant plus que déjà à cette époque son oeuvre était surtout consacré à l'histoire récente de l'Allemagne. La guerre est son sujet de prédilection, mais aussi l'imagerie de propagande. Il a en tout cas fait une série de prises de vue qui répète le même sujet et qu'il a intitulé Beselzungen (Meer) déjà en 1969. Il sait être l'héritier direct de ce monde perverti. On peut comprendre qu'il a tiré l'enseignement de Josef Beuys. Mais il n'a pas marché dans les traces de ce maître incontournable. Ce geste critique, il l'a encore répété en 2013 de dos, dans son atelier de Croissy-Beaubourg. Quoi qu'il en soit, cette suite est rassemblée dans ses Occupations. C'est une conception du monde qui est figurée de manière insolente et insistante. Cette longue suite qui s'est développée sous toutes sortes de points de vue dans le temps se retrouve au milieu de compositions qui ont à voir avec d'autres thèmes qu'il a également mis en exergue dans des tableaux ou dans des installations (les avions, les navires et surtout les grands champs désolés en plein hiver.
Les films détruits ou les photos de famille placées dans de grandes vitrines. Il a aussi eu un goût prononcé pour les ruines. Ce passé pas si loin de nous (et surtout de lui à l'époque où il les a conçues) est comme une hantise de ces terribles combats et tous ces bombardements qui ont réduit son pays en cendres. Il les a parfois associées à des ruines antiques ou à d'étranges bâtiments très hauts et endommagés. Il n' a pas cessé un seul instant d'inventé des combinaisons reprenant quelques-uns de ces thèmes, comme s'il avait ressenti le besoin de dire et de redire ce qui est le coeur de son cheminement intérieur. Cet album, très bien documenté et commenté est un guide qui peut expliquer de quelle façon sa peinture ou ses « sculptures » ont pu naître et devenir la part la plus spectaculaire de son exploration plastique. L'histoire y est omniprésente et la quête de ce qu'est l'esprit allemand y est inscrite pour qu'on puisse pénétrer dans son univers, qui n'est pas le nôtre, mais qui a été une frange non négligeable de notre expérience pendant la dernière guerre




Rodin e la danza, sous la direction d'Aude Chevalier, Cristiana Natali, Elena Cervelellati, 24ore cultura / Musée Rodin / Mudec, 190 p., 29 euro.

Rodin (1840-1917) est une de ces figures emblématiques et formidables qui ont marqué le XIXe siècle. Il a été dans la sculpture ce qu'a été Victor Hugo pour la littérature. Encore aujourd'hui, certaines de ses créations sont connues dans le monde entier, comme Le Penseur ou Les Portes de l'Enfer. Il a abordé une quantité invraisemblable de sujets, du nu jusqu'au portrait (il suffit de songer au magnifique Balzac qui se trouve au carrefour Vavin à Paris et qui a tant déplu en son temps ! L'art de la danse l'a profondément intéressé car il introduisait le mouvement dans ses oeuvres. Il lui a permis de concevoir des gestuelles qui ne sont pas naturelles et qui se révèlent excessives. Cette étude des mouvements constitue la première partie de cette exposition présentée au Mudec de Milan jusqu'au 10 mars 2024. En 1911, il a imaginé une importante série de figurines représentant les divers mouvements de la danse.
Cette suite tardive montre à quel point il a désiré pouvoir abandonner toutes les postures classiques et statiques. Il a été très impressionné par les chorégraphies de Loïs Fuller au cours des années 1890, avec ses grands voiles qu'elle faisait toupiller autour d'elle. De plus en plus, il a éprouvé le besoin d'attribuer une troisième dimension à ses sculptures, mais aussi un développement dans l'espace qui magnifie leur déplacement dans les trois dimensions. Cela est déjà probant quand il a composé le groupe des Bourgeois de Calais : tous ces hommes semblent tourner dans une sorte de ballet tragique.
Dans ses carnets de dessins, on peut découvrir de nombreux dessins, souvent sur un fond coloré, qui font valoir son intérêt pour la danse et donc pour toutes les formes de distorsion du corps. C'est pour lui une recherche permanente à la fin de sa vie. Il a été en admiration devant les danses cambodgiennes. On se rend bien compte ici qu'il n'a pas voulu, comme Edgar Degas, mettre en scène le monde de la danse, mais s'en servir pour pouvoir rendre tout ce que les membres humains peuvent suggérer et tracer dans l'espace qui les contient. En somme, la danse a été pour lui le moyen de sortir des ornières de son expérience passée et de dépasser la grammaire stylistique qu'il s'était forgée.
Ce faisant, il a rejoint ce que son époque avait commencé à rechercher : la vérité de la nature et sa poésie. Tout ce qui dans son esprit s'est exprimé par la force et l'intensité, il est parvenu à le compléter avec une tension qui lui fait abandonner un peu son caractère pondéreux (mais sans jamais l'annuler). Rodin n'a pas cessé un instant de partir en quête de nouvelles modalités de la sculpture, en tentant d'associer le plus possible le terrestre et le céleste, qui sont à ses yeux inséparables. Le corps est demeuré l'aulne de sa pensée. Il a tenu à lui rendre sa double nature. Voilà un parcours qui nous fait comprendre l'esprit de son travail au fil des années.




Giovanni Bonaldi, Fuori del bosco, sous la direction de Davide Di Maggio, Mudima, 160 p., 30 euro.

Giovanni Bonaldi ne fait que confirmer l'idée que je m'étais faite de la culture artistique de Milan : il y a d'excellents artistes, mais un milieu de l'art assez peu vivant et surtout apparent. La Fondation Mudima a très bien fait de montrer le travail de ce relativement jeune artiste (il est née en 1965) car il fait preuve d'une grande originalité et aussi d'une capacité de dépasser les frontières entre les différents genres. Il a su très bien jouer de tous les genres qui sont actuellement ceux qui caractérisent l'art contemporain : la peinture, la sculpture, souvent repensées selon de nouveau préceptes, l'art conceptuel (son horizon est infini), l'installation. Et d'autres modalités qui ont peu à peu creusé leur sillon.
Nous pouvons le rapprocher de Josef Beuys et d'Anselm Kefer, même s'il ne ressemble ni à l'un ni à l'autre : c'est simplement une question d'utilisation de l'espace, de refus de s'enfermer dans une catégorie formelle, le jeu avec les choses et le jeu avec les matériaux. C'est un curieux mélange de rigueur et de grande liberté. Et puis, s'il ne tient pas à la loi des séries, il a tout de même mis un grand nombre de constructions sculpturales dans des bocaux en verre fermés. Pour réalisé ces pièces, il a utilisé aussi bien le fer que le cuivre et toutes sortes de métaux. Ces compositions sont singulières et sont des pièges pour l'imagination. Quant à ses tableaux, ils vont d'une formule assez traditionnelle, comme c'est le cas dans les diverses versions d'En vol ou alors, sont des triptyques comme c'est le cas avec Armature de lumière (2022), dont le cadre forme une boîte où évolue ce qui pourrait être une cafetière napolitaine. C'est à la fois drolatique, curieux et magique ! Ce monde extravagant présente des rapports de similitude, comme, par exemple, les échelles ou les bâtiments en bois soutenus par des travées qui donne le sentiment d'être des échelles.
En somme, il aime décliner les objets dont il se sert selon la forme, mais aussi selon la valeur sémantique. Il y a chez lui une sorte de désordre qui finit par s'organiser, mais toujours avec le désir de multiplier les points de vue. La cohérence du tout existe cependant, mais par des voies détournées. C'est une recherche qui vous prend et qui ne repose pas sur des poncifs actuels. L'entretien que Davide Di Maggio a pu faire de l'artiste est très éclairant. Donc, ces oeuvres sont à découvrir dans notre désert des Tartares !
Gérard-Georges Lemaire
07-12-2023
 
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Christophe Cartier / Gisèle Didi
D'une main peindre...
Préface de Jean-Pierre Maurel


Christophe Cartier

"Rêves, ou c'est la mort qui vient"
édité aux éditions du manuscrit.com