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[verso-hebdo]
21-12-2023
La chronique
de Pierre Corcos
Une réjouissante vivacité
On l'ignore souvent mais, de Tchekhov (1860-1904), la majeure partie de l'oeuvre est constituée de nouvelles, excellentes... Dès l'âge de vingt ans (étudiant en médecine il écrivait déjà de courts récits pour des journaux humoristiques) et jusqu'à sa mort, il en a imaginées et publiées sans cesse. Acuité de l'observation, saisie d'un détail riche de significations et sens de la chute : Tchekhov avait toutes les qualités du nouvelliste. Or, par l'ambiance, les situations et les personnages, un lien profond unit ces nouvelles, si vivantes, à son théâtre. Et il était donc tout à fait pertinent de rassembler, en un même spectacle (Farces et nouvelles de Tchekhov au Lucernaire) deux pièces courtes - sortes de farces, saynètes - et une nouvelle adaptée pour le théâtre. Chaque soir en alternance deux pièces sur trois : Les méfaits du tabac, Une demande en mariage, L'ours et une nouvelle sur deux : Un drame, la mort d'un fonctionnaire. Avec un décor minimaliste et neuf comédiens en verve, ce metteur en scène chevronné qu'est Pierre Pradinas nous offre un spectacle d'une alacrité pouvant réjouir le plus large public. Si, dans un premier temps l'on réfère ces courtes pièces au contexte social et culturel de la Russie du 19ème siècle, on constate ensuite qu'il y a quelque chose d'à peu près universel et intemporel dans le piteux vécu matrimonial de l'un, l'obséquiosité de l'autre ou les variations affectives de l'une et l'autre. L'étonnante légèreté de ces tragicomédies tient toute entière dans le génie de Tchekhov, pratiquant dans sa littérature le pessimisme gai, indice d'un esprit fort selon Nietzsche. Du coup notre rire est tour à tour cruel et complice, tendre et sardonique. Voilà un théâtre crépitant de drôlerie et d'intelligence. À la fois léger et percutant : des qualités rarement unies, qui existent seulement dans le meilleur humour.

L'erreur serait de juste prendre à la lettre les paroles, les anathèmes de Reger, ce critique musical irascible, personnage central de l'avant-dernier roman de Thomas Bernhard (1931- 1989), Maîtres anciens (comédie) que Nicolas Bouchaud, Éric Didry et Véronique Timsit ont monté en un spectacle vivifiant par ses excès, sa drôlerie et son irrespect (jusqu'au 23 décembre au Théâtre 14, dans le cadre du Festival d'Automne). En surface, « c'est un joyeux massacre dont les victimes principales sont Stifter, Heidegger, Bruckner, Beethoven, Véronèse ou Le Greco, c'est-à-dire une partie du patrimoine culturel européen », résume Nicolas Bouchaud, seul en scène et prenant à témoin, au milieu de son emportement et ses indignations, le public médusé. Mais la profondeur « musicale » de ce monologue émerge peu à peu, suggérée par les contradictions du discours, ses intermittences et les accélérations soudaines de son rythme, les répétitions de certains propos, comme en ritournelles... Projet poétique de subvertir la langue, outil de communication, en la musicalisant (entré à 21 ans au Mozarteum de Salzbourg, Thomas Bernhard a commencé par des études musicales). Exactement au sens où l'on a pu dire de Paul Morand, par exemple, qu'il avait fait « jazzer la langue », on peut affirmer que la vivacité de cette parole berhardienne s'apprécie notamment dans le tempo de l'« allegro vivace »... Ce n'est donc pas seulement la satire explosive qui fait rire chez Thomas Bernhard, c'est aussi ce détournement incongru de la communication. Et cette façon unique de travailler sur la matière des ruminations mentales, tout comme un compositeur moderne, de musique sérielle. Dès lors la hiérarchie des thèmes et registres (de l'état catholique à la saleté des toilettes viennoises !) se voit chamboulée au profit d'une anarchie dont la vitalité déborde le sens. Une dévastation libératrice formalisée en musique...

Ce que désignent les mots en « isme » risque toujours, semble-t-il, de se contracter en dogme. Puis se muer en dogue prêt à aboyer... À cette fâcheuse tendance le féminisme, hélas, ne ferait point exception : c'est en tous cas le point de départ de Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent qui ont écrit et mis en scène La femme n'existe plus (jusqu'au 31 décembre au Théâtre du Rond-Point). « Il semble que le féminisme a ceci de commun avec l'écologie : d'être un des combats politiques les plus rassembleurs et les plus ennuyeux (...). Les plus ennuyeux, car les discours prenant des airs de donner des leçons, si profonds soient-ils, incitent à bâiller d'ennui (quand ils ne provoquent pas le plus irritant agacement). », affirment les deux acteurs qui souhaitent, par cette comédie déjantée, science-fictionnelle, d'une vivacité loufoque, remédier à l'ennui du dogme féministe et, en même temps, servir de pamphlet jubilatoire pour la cause féministe... Un quatuor de femmes combattantes qui, par leur prénom et quelques signes, peuvent faire penser à Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig, Françoise Dolto et Annie Lebrun, se cachent dans un tunnel pour fomenter divers actes de résistance contre le GRAF (Grand Retour Aux Fondamentaux), un parti nouvellement élu et patriarcal, phallocratique en diable... C'est, on l'aura imaginé, une farce grotesque aux délirantes péripéties. Mais le plus étonnant, le plus savoureux de cette caricature théâtrale est que les outrances réelles des extrêmistes (genre SCUM) du Women's Lib ou des courants masculinistes américains auraient pu aisément se retrouver à certains moments du spectacle !
Pierre Corcos
corcos16@gmail.com
21-12-2023
 
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Verso n°136

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