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[verso-hebdo]
15-02-2024
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La chronique de Gérard-Georges Lemaire |
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Chronique d'un bibliomane mélancolique |
La Naissance de Vénus et le Printemps de Sandro Botticelli, Aby Warburg, traduit de l'allemand par Laure Cohen-Maurel, Editions Allia, 80 p.,11 euro.
C'est sans doute le texte d'Aby Warburg le plus vanté. Quoi qu'il en soit, l'auteur emploie une méthode bien à lui pour construire cet essai achevé en 1893. Notre auteur commence par une localisation des deux tableaux par une source littéraire qui seraient lex faite par Giorgio Vasari, puis par une description (assez lacunaire !) fournie par le catalogue des collections des Offices à Florence. Puis il introduit une source littéraire qui se trouve dans les Hymnes homériques, qui ont été publiés à Florence en 1488. D'autres sources sont alors examinées, en particulier chez Politien. Puis il examine les éléments iconographiques un à un. Cette méthode très scrupuleuse fait penser à ce que sera la démarche de l'iconologie avec Erwin Panofsky.
Et les tableaux sont passés au crible des écrits théoriques de la Renaissance, à commencer par Alberti dont le Libro sulla pittura a paru en 1435. Ce qui caractérise cet essai, est que Warburg n'a de laisse de croiser références littéraires et théories sur l'art et sur l'architecture, comme si ces liens formulaient les bases culturelles de l'époque de Botticelli et de Botticelli lui-même. Et il met aussi l'accent sur l'influence de ces critères dans des oeuvres plus récentes, comme la poésie de Carducci. Il s'intéresse enfin à toutes sortes d'attributions plus ou moins justes (comme, par exemple, le dessin attribué à Botticelli qui se trouve au château de Chantilly). Il semblerait en outre que le peintre ait eu des relations avec Politien. Dans la deuxième partie, il repend l'analyse du Printemps, qui a le plus souvent était désigné comme une allégorie du printemps. Janitschek pense qu'il aurait été influencé par Sénèque (De Beneficiis). Il fait valoir que Botticelli a respecté certains codes (par exemple, les codes vestimentaires) inspirés de l'Antiquité ou qu'il ait imaginé le décor à partir des vers d'Ovide (surtout Les Fastes). Là encore, les repères se multiplient et surtout s'entrecroisent. Dans une brève troisième partie, il place en regard Botticelli et Léonard de Vinci. Il veut montrer que ce dernier a été inspiré par Politien (la Giostra), mais qu'il fait peu état des Anciens à part Vitruve) il faut se rappeler qu'il ne savait ni le grec, ni le latin. Cela ne l'a pas empêché d'avoir le profond sentiment de l'antique.
Le Renouveau de la passion, sous la direction de Guillaume Fonkenell, Editions in fine / musée national de la Renaissance, Ecouen, 256 p. 35 euro.
Il s'est produit un bouleversement profond des conceptions artistiques en France au milieu du XVIe siècle. La sculpture religieuse a connu une métamorphose profonde. L'un de ses meilleurs représentants est François Marchand, aujourd'hui bien oublié malgré son indéniable talent et sa valeur historique. On a pu voir ses ouvres lors de l'exposition qui a eu lieu au château d'Ecouen et puis dans une exposition présentée au musée du Louvre, « Le Printemps de la Renaissance ». En somme, cette redécouverte s'est faite lentement mais a néanmoins pu donner ses fruits François Marchand (vers 1500-1551), qui se présentait comme « ymagier, demeurant à Orléans. Ce dernier a eu des commandes importantes, en particulier à Chartres.
C'est là qu'il a réalisé Le Massacre des Innocents, sans doute son oeuvre majeure, et le tombeau de François Ier à la fin de sa vie (1549) , qui se trouve à Saint-Denis. Si la biographie de ce sculpteur est très lacunaire, on possède heureusement des pièces d'archives par exemple en ce qui concerne la commande de Chartres. Ce robuste catalogue permet non seulement de faire la rencontre de ce sculpteur de talent qui a beaucoup travaillé, mais aussi de comprendre tout le contexte artistique de son époque, qui est la fin de la Renaissance développée par François Ier. C'est vraiment intéressant (et pédagogique !) et fait connaître une période bien mal connue de notre art qui, bien sûr, n'a ni la richesse ni les développements de l'art italien.
Silence ça tourne ! Une sottie contemporaine, Julien Blaine & Nawar Bulbul, Sitaudis,28 p., 10 euro.
J'ignore qui est Nawar Bulbul. C'est avec ce personnage mystérieux que Julien Blaine a cogité manifestement une performance et ce petit livre où les deux auteurs complices semblent se répondre au fil de ce peu de pages. Il y a donc ce dialogue et aussi beaucoup de signes associés, signes sous forme de lettres ou de chiffres, ou que sais-je encore. Comme kil n'y a aucune introduction et pas la moindre petite présentation on ne peut que se réjouir de cette fantaisie graphique et parfois articulée, qui serait un jeu scénique couché sur le papier. Il y a toujours eu chez Julien Blaine une veine un peu rabelaisienne, toujours dans l'optique d'une dérision du lecteur et d'une autodérision. C'est un divertissement qui véhicule des drames récents dans la pauvre histoire de notre monde. Des pensées graves traversent ce microcosme bouffon. Borderline : Julien Blaine l'a toujours été. Il fait peut-être tourner la tête dans un Luna Park scriptural et visuel, mais plonge en même temps dans les espaces des plaies de la guerre et des conflits qui nous assaillent de loin. Avec lui et son complice, nous nous retrouvons dans les horreurs du Proche-Orient. Pas de pax romana ! Pas moins l'ombre d'un répit !
A mes pairs..., Jean Noël Laszlo, arnaud bizalien éditeur, 29 euro.
Avec ce beau catalogue, doublé d'une anthologie de textes critiques sur son parcours artistique, est tout à fait remarquable. On y découvre l'esprit et la forme de la quête esthétique de Jean-Noël Laszlo, un artiste qui mériterait d'êdtre bien mieux connu. Il travaille depuis longtemps comme artiste et comme éditeur (mais un éditeur d'ouvrages d'artistes). Quand on consulte ce beau livre, on se rend en effet compte que la plupart d'entre nous sont passés à côté d'une oeuvre d'une grande valeur. Et s'il s'est implanté dans le champ de la plus radicale expérimentation plastique, on se rend vite compte qu'il compense cette tentation par une qualité de ses compositions qui les rend aussitôt presque, dirais-je, classique, une disposition curieuse étant donné sa traduction du langage.
C'est son goût de la perfection visuelle et architecturale de ses ouvrages qui leur attribue cet équilibre compensant l'audace de sa grammaire personnelle très élaborée-, et pourtant d'une grande simplicité. Jean-Noël Laszlo est un créateur qui tranche sur ses contemporains. Il connaît une sorte d'exil méridionale et mériterait vraiment d'être salué par la communauté artistique et par celle des collectionneurs. J'ose croire que cette reconnaissance aura lieu sous peu. Plongez-vous dans ce livre, et vous découvrirez ce que je viens de vous dire.
La Longue vue, Elizabeth Jane Howard, traduit de l'anglais par Leila Colombier, préface de Hilary Mantal, 470 p., La table ronde, 24 euro.
Comme le souligne le préfacier, Elizabeth Jane Howard (1923-2014) a longtemps été rangée ns la catégorie un peu péjorative. Elle s'est lancée dans la littérature de la littérature féminine (dans le sens qu'elle aurait été destinée aux seules représentantes du sexe faible). Son grand succès avant joué paradoxalement en sa défaveur. Aujourd'hui, elle est mieux considérée en Grande-Bretagne et est considérée comme un des auteurs les plus intéressants de la seconde moitié du XXe siècle. Elle avait désiré devenir actrice, mais la guerre l'a empêché d'embrasser cette carrière. Elle a donc décidé de choisir l'art romanesque en 1947.
Trois ans plus tard a paru son premier roman, The Beauriful Visit. Après un recueil de nouvelles, elle a fait paraître The Long View en 1956. Ses ouvrages ont été bien accueillis. Dans ce troisième ouvrage, elle a eu l'idée de narrer l'intrigue en remontant dans le temps. Si la facture de son oeuvre demeure assez « classique », la construction de l'histoire est originale puisque nous partons de loin, de 1950 précisément, pour aller jusqu'à 1926. C'est dans cette optique que l'auteur voit les choses, comme nous le voyons tous, en revenant en arrière. C'est donc la partie la plus ancienne de cette relation d'un couple marié, Antonia et Conrad, C'est la dissection très appliquée d'une union qu'Antonia n'a désirée que pour échapper à ses parents dont la présence l'étouffe.
C'est aussi une description de l'évolution des moeurs au cours du siècle dernier. C'est un sujet traité avec un soin méticuleux et le soucis permanent du détail révélateur et d'une approche pénétrante de la psychologie de ces deux êtres qui sont façonnés par leur milieu et leur époque. Antonia, des deux, est celle qui tente d'échapper à ce que le monde qui l'entoure a décrété comme étant la norme. En sorte que le récit de l'histoire de ce mariage sur de longues années. On ne peut la comparer à aucun écrivain qui l'a précédé ou qui l'a accompagnée dans le temps, elle a joué avec subtilité de ce mélange de littérature féminine du XIXe siècle et d'authentique et donc franche modernité. Certes, elle ne va pas dans le sens de D. H. Lawrence et ne s'est pas rapproché des écrivains du Bloomsbury. Son réalisme est une garantie d'authenticité de ce qu'elle a entendu démontrer.
On aurait peut-être aimé qu'elle fût plus concise et aussi un peu plus audacieuse. Mais sa fiction se parcourt avec plaisir et on n'est jamais encombré par les sous-entendus ce cet examen d'une relation vouée à l'échec. Elle ne dénonce pas le mariage dans le sens traditionnel, Il n'y a rien de tragique ou de larmoyant dans cette relation d'un échec qui était devenu inéluctable, réunis par Pascale Lismonde avec discernement. Mais elle ne donne pas de leçons (comme c'est le cas dans L'Amant de Lady Chatterley), mais elle n'en combat, pas les présupposés. Et ses personnages sont crédibles et assez profonds pour être simplement des marionnettes romanesques. C'est donc un roman qui, à plus d'un demi-siècle de distance, peut encore tenir la route et ravir le lecteur.
Le Goût-du bleu, textes réunis et présenté par Pascale Lismonde, Mercure de France, 144 p., 8,50 euro.
Tout le monde s'accorde en général pour affirmer que le bleu est la couleur favorite des Français. Chaque peuple a son choix pour les couleurs. Les Allemands sont plus disposés pour le vert, dit-on. Le ciel est sans doute une clause fondamentale, comme l'a écrit Victor Hugo ou William Boyd. Le bleu est également lié à la mer, comme le déclare Paul Valéry ou Marguerite Yourcenar. C'est au Moyen-Âge que le bleu qui s'est affirmé au cours du Moyen Âge s'est traduit dans l'art de la peinture. Marcel Proust en témoigne. Et pour ce qui en est de l'art du siècle dernier, on peut constater son attrait pour Vassili Kandinsky à Yves Klein, en passant par René Magritte.
Il fait se souvenir que Renoir avait, à ses débuts, banni le noir de sa palette ; il a exécuté des scènes de rue à Paris avec des hommes portant des vêtements bleus alors qu'ils étaient uniformément noirs (il s'était inspiré d'un précepte de Léonard de Vinci qui semblait aller très bien avec la posture impressionniste). Et Marcel Proust, dans un livre d'A la recherche du temps perdu, La Fugitive, fait l'éloge de la fresque de Giotto à Assise. Cettre petite anthologie nous donne l'occasion de voir de quelle manière les poètes Arthur Rimbaud et Stéphane Mallarmé ont abordé cette teinte. Quand on consulte cet ouvrage, on comprend bien à quel point le bleu est présent dans notre littérature car une place de choix lui est réservée. Le dernier chapitre est consacré à notre drapeau tricolore et à son histoire en partant de Mirabeau. C'est une belle façon de conclure ce florilège qui mérite toute notre attention.
Le Goût du temps, textes choisis par Brigit Bentour, Mercure de France, 128 p., 9 euro.
Pour cette collection, le thème du temps est un peu plus délicat que les autres. On-aurait aimé-que-cette-compilation-ait-commencé par les textes philosophiques- (Aristote, Emmanuel-Kant, etc.), Voilà un sujet qui n'est pas simple qui aurait mérité quelques écrits de savants, à commencer par Albert Einstein. Mais ne nous faisons pas plus royaliste que le roi, car les ouvrages de cette collection ont leurs limites en nombre de signes ! Quoi qu'il en soit, le lecteur pourra naviguer entre Gérard de Nerval et Pierre de Ronsard, entre Dino Buzzati et Robert Desnos, en passant par Oscar Wilde et Virginia Woolf. La moisson est riche. Je m'étonne néanmoins que Jorge Luis Borges ne soit pas à l'appel. Heureusement Marcel Proust est bien là ! Si nous ne pourrions y trouver notre compte complètement, c'est tout de même un pertinent aide-mémoire et aussi un lieu de découvertes ouvrant les portes de la connaissance et sa traduction dans la prose et dans la poésie. Il sera utile à qui aura un jour besoin de s'exprimer sur le temps.
Fragments posthumes sur l'éternel retour, Friedrich Nietzsche, édition et traduction par Lionel Duvoy, postface de Matthieu Serreau & Lionel Duvoy, Editions Allia, 144 p., 7, 50 euro.
La pensée de Nietzsche et aussi son existence, ne cessent de fasciner. Les raisons de cette fascination sont multiples. La plus importante est sans nul doute le fait qu'il ait voulu bouleverser les termes mêmes de la philosophie. Il a marqué une frontière avec la tradition de cette discipline depuis l'Antiquité. Et puis il y a sa façon de postuler de nouveaux concepts (mais cela ne veut pas dire qu'il fait abstraction de tout ce qui l'a précédé - d'ailleurs, le principe d'éternel retour, il l'a emprunté aux pythagoriciens). L'éternel retour est l'un d'eux.
Ces pages posthumes nous éclairent sur l'idée qui sous-tend cette vision peu de temps avant l'introduction dans les termes de la physique et surtout de l'astrophysique du débat sur l'espace fini confronté à ceux qui sont convaincu que l'espace est fini (Albert Einstein, à l'époque où il formule sa théorie de la relativité, est de ces derniers, plus tard, il est revenu sur cette position). Ecrits entre 1880 et 1888, ces fragments étaient sans nul doute le projet d'un livre que Nietzsche n'a pas pu réaliser à cause de sa maladie mentale. Il n'était pas question pour lui de les publier.
On ne peut qu'être ébloui par l'intelligence de sa perception du monde, mais encore plus par ses intuitions à propos du futur. Il a aussi cette faculté de décrire comment l'être humain perçoit ses faits et gestes, ainsi que ses pensées. C'est aussi une autoanalyse qui est extrêmement méticuleuse. Ces considérations sont très précieuses pour compléter notre entendement de sa philosophie, qui exige de nous un changement complet de notre mode d'appréhension du rapport au monde et à soi-même. Les auteurs de cette édition mérite également d'être salué pour la pertinence de leurs explications et commentaires.
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Gérard-Georges Lemaire 15-02-2024 |
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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