Quand  Benjamin fait du Fifre d'Édouard Manet le point de fuite de sa pensée sur le sujet de la  peinture.
par  Gérard-Georges Lemaire
L’œuvre  de Benjamin (Lévesque) m’a toujours surpris et déconcerté. Elle  avait son évidence, sa personnalité bien affirmée, son écriture,  ses hantises, ses extraordinaires glissements entre différentes  strates de la peinture, naviguant entre ce qui est figurable et ce  qui ne l’est plus vraiment, entre les ténèbres et les éclats  fastueux de l’or. Elle ne se laisse pas prendre dans les filets des  genres et des normes. Au contraire : elle échappe à notre  tentative de lui attribuer un statut bien défini. Alors que bon  nombre d’artistes s’efforcent d’imposer leur style - leur  marque de fabrique -, c’est-à-dire ce qui les distingue dans une  petite ou une grande histoire, lui, il choisit des chemins de  traverse que quasiment personne n’emprunte. C’est un homme de  goût, raffiné et cultivé. Mais il tient avant tout à son  incognito - qui est peut-être le summum de l’exigence et de  l’ambition. Il veut être celui qui n’est pas là où on le  pense. Il est là où la peinture ne cesse de se remettre en jeu avec  les dés des légionnaires romains et ceux de Stéphane Mallarmé. 
      De  lui, je voudrai examiner avec vous deux séries d’œuvres. La  première est Les  Petits cols (2008)  et la seconde s’intitule Chroniques  d’un joueur de fifre et a été réalisée en 2011.
I
Un  certain nombre d’artistes de talent, à l’occasion de  l’exposition baptisée Leçons  de ténèbres,  qui était un hommage à Patrizia Runfola et à son œuvre, dont les  extraordinaires Leçons  de ténèbres,  présentées par Claudio Magris, ont choisi souvent dans ces pages  les scènes se déroulant à Prague ou les moments intimes (Anne  Gorouben, Sergio Birga, Catherine Lopès-Curval, Solange Galazzo,  Olivier de Champris, Nathalie Du Pasquier, Estelle Courtois, Didier  Tolla). Il n’y a guère que Bernard Lacombe qui s’est intéressé  aux chapitres consacrés aux « vies imaginaires » des peintres  d’autrefois. Claude Jeanmart, lui, a embrassé l’ensemble de la  fiction.  La plupart d’entre eux se sont placés dans l’optique  de l’illustration, même si leurs dessins ou tableaux échappaient  aux lois de l’illustration traditionnelle.
      Benjamin  Lévesque a opté pour une tout autre démarche. Il a choisi un  détail dans le livre et l’a développé sur six tableaux  qu’il  a intitulés Les  Petits cols (six  peintures et dessins (pastel, fusain et feuille d’or, sur toile de  lin et laine, 60 x 92 cm, 2008).  Il  s’est attaché à un paragraphe qui met en scène l’héroïne de  l’ouvrage et sa sœur malade : « … je vois mes mains  effleurer ses vêtements en tâtonnant dans la mémoire, ces  vêtements qu’elle rangeait avec tant de soins avant de dormir,  quand, elle s’attardait en silence sur le pli de ses cols pour en  refermer la courbe… Et je vois les petits cols ornés de fils de  perles et les précieux gilets orientaux où de minuscules disques  d’argent sont brodés… ces bleus, ces jaunes, pleins de soleil,  de terre… de pluies chaudes et de vapeurs… »
      Ce  passage correspond exactement à l’esthétique de  Benjamin  (Lévesque) à l’époque, où des fragments figuraux sont traités  de telle sorte qu’on ne le remarque qu’après coup et que des  objets sont insérés dans la composition pour achever de donner un  sens au tout. 
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- Entretien  avec Benjamin - le 8 novembre 2012 
 par Daphné Brottet
- Quand  Benjamin fait du Fifre d'Édouard Manet le point de fuite de sa pensée sur le sujet de la  peinture.
 par Gérard-Georges Lemaire
- Voyage en peinture
 ou
 Voyage au bout de la nuit
 (mais c’est déjà pris)
 par Odile Dorkel
- Benjamin
 par Sapho
- La  théophanie
 Un homme et une femme regardent un tableau de Benjamin
 par Max Guedj
- L'art de l'effeuillage
 ou L'étoffe des libertins
 par Jean-Claude Hauc
- L'œil écrivain
 par Christophe Averty
- Deux clins d'œil :
 Gérard de Lairesse par Jean-Michel Charbonnier
 et Le costume byzantin par Eudes Panel.
- Sensus  communis. À propos des photographies de Philippe Monsel
 par Luc Ferry
- Banditi  dell’Arte, une  ontologie de l’« hors normes » ? 
 par Marie-Noëlle Doutreix
- Les tableaux Tounes Boules (turn cut) d'Arthur Aeschbacher 
 par Gérard-Georges Lemaire
- Une biennale pour l'architecture partagée : une promenade dans l'arsenal
 par Giancarlo Pagliasso
- Tatline / art et monde  nouveau
 par Giancarlo Pagliasso
- L'art et le cyclisme
 par Leonardo Arrighi
- Éloge de Simon Hantaï
 par Gérard-Georges Lemaire
- Philippe Richard
 par Vianney Lacombe


 Christophe Cartier
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