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La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire

Bibliothèque de l’amateur d’art par Gérard-Georges Lemaire
Le Sermon sur la chute de Rome, Jérôme Ferrari, Actes Sud, 206 p., 19 €.

L’histoire se déroule en Corse. Jusqu’à la guerre de 14-18, les choses paraissaient presque immuables. Mais l’absence du père, fait prisonnier et dans un camp des Ardennes, pour la famille Antonetti est lourde de conséquence pour son épouse et ses six enfants. Le centre du monde qui nous ai donné de découvrir est un petit café où là aussi tout va changer rapidement. L’auteur nous fait pénétrer dans l’intimité de ces familles, en particulier celle du gérant du café, avant de nous conter l’aventure de deux jeunes garçons, qui décident de poursuivre ensemble leurs études à Paris. Mais rien ne se passe comme prévu et leurs origines les rattrapent. L’histoire se conclue par le sermon de saint Augustin dans la nef de la cathédrale à Hippone, sa ville natale en Afrique, assiégée en l’an 410. C’est un roman prenant, sans doute, mais qui manque un peu d’ossature et de densité. L’affaire d’Augustin semble vouloir donner une clef d’interprétation à cette fiction qui n’est somme toute qu’une affaire de famille. Ce roman, comme beaucoup de romans français produits ces derniers temps, repose sur un intrigue faible et des motivations faibles et compense le tout par un subterfuge. Pourquoi pas ? Mais le désir de pénétrer ce monde un peu ésotérique et, finalement, banal, n’est pas au rendez-vous. C’est l’exemple type du jeune écrivain français d’aujourd’hui, du talent, de belles dispositions, du caractère, mais un manque de perspective.

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Bibliothèque de l’amateur d’art par Gérard-Georges Lemaire
Sur la terre comme en enfer, Thomas Bernhard, traduit de l’allemand et présenté par Suzanne Hommel, « Orphée », La Différence, 128 p., 5 €.

L’œuvre romanesque de Thomas Bernhard est universellement connue. Sa poésie ne l’est pas. Elle se résume d’ailleurs a peu de choses. Mais elle n’en est pas moins intéressante. La traductrice nous apprend que son premier écrit a été un poème et que sa première publication en 1952 a aussi été un court poème, « Mon bout du monde ». C’est un texte superbe, fondé sur le souvenir de l’enfance, mais qui révèle une véritable perspective, oui, une vision. Tous ces écrits ont en commun leur brièveté, l’utilisation d’une image forte et surréelle, qui est comme une ombre projetée sur le réel et lui donner une autre dimension. Mais l’auteur ne semble pas ressortir de la moindre école. Il y a une volonté métaphysique qui est manifeste et qui le rapprocherai (un peu) de Paul Celan. Par exemple, dans « La Nuit » : « La nuit tremble devant la fenêtre, elle veut transpercer mon cœur, /et appeler les noms que j’ai profanés. » Plus le temps passe, et plus ses poèmes sont simples dans leur conception, se servent d’un langage sans baroquerie, directs, froids et déchirants. Pas de sentimentalisme, ders vérités premières assenées à coups de hache où la mort est omniprésente. Mais pas la mort qu’on redoute, mais celle qui est et qui provoque la disparition, l’oubli, l’effacement complet. Ces poèmes sont alors des méditations terribles sur l’être qui est privé du secours de la métaphysique et des sacrements de la théologie. L’homme y est nu, désarmé, en face de son destin, qui est le destin commun. Il éprouve le besoin de rédiger une Danse des morts avec, entre autres, « Description d’une famille », où son humour grinçant se conjuguent à une représentation encore plus grinçante de la Terre et de ses créatures. Ce recueil est une merveille de courage mais aussi de beautés - même si les beautés qui naissent de sa plume sont mauvaises à dire et difficiles à accepter. Ce sont des vanités athéologiques (je pense ici au genre pictural). Les lire, les lire vraiment, revient à se remettre en place sans l’espoir d’une guérison ou d’une rédemption.

 

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